Homélie pour la solennité du JOUR DE NOËL
Isaïe 52,7-10 / Psaume 97(98) / Hébreux 1, 1-6 / Jean 1,1-18
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> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Tous ces derniers temps, j’entends un petit refrain, comme ça, qui revient… de la part des personnes qui savent que je travaille en hôpital, je ne suis pas le seul ici d’ailleurs, j’entends des questions qui se répètent comme des refrains :
Dites, dites, vous qui êtes sur place, vous devez savoir :
- Combien de malades du CoVid ?
- Combien de vaccinés parmi eux ?
- Combien de non-vaccinés parmi eux ?
Et ces questions, en général, ne sont pas posées pour avoir la vraie réponse mais juste pour vérifier si ce que je dis correspond à ce que disent les médias et les autorités – de la part des uns.
Ou, de la part des autres, pour vérifier si ce que je dis correspond justement à ce que disent les personnes qui ne suivent pas les médias et les autorités.
En fait mes interlocuteurs, lorsqu’ils me posent ces questions, n’attendent pas ma réponse. Ils attendent que ce que je dis confirment leur réponse à eux.
Alors depuis quelques jours j’ai décidé de changer de réponse. Je leur réponds un mot, un seul, à toutes ces questions.
- Combien de malades du CoVid ?
- Un.
- Combien de vaccinés parmi eux ?
- Un.
- Combien de non-vaccinés parmi eux ?
- Un
Et quand les gens me regardent, un peu surpris, forcément, je précise :
- Voyez-vous, on essaie d’être UN. Nous qui travaillons à leur chevet, les soignants, les infirmières et infirmiers, les médecins, les aumôniers, on essaie d’être UN avec eux. Et eux aussi ils sont UN. Chacun d’eux est unique bien sûr, mais chacun est solidaire de l’autre dans sa souffrance. Et chaque être humain est immense dans sa dignité, chaque être humain mérite d’être soigné pour ce qu’il est, un être humain. Peu importe qu’il soit vacciné ou non, c’est une personne. C’est une personne qui souffre et qui mérite que je sois, moi aussi, UN avec elle. Que nous fassions corps les uns et les autres, tous ensemble, autour de celles et ceux qui souffrent. Parce que comme le disait très bien Paul, quand un membre souffre c’est le corps entier qui souffre, lorsqu’on est UN.
Alors je nous invite à essayer de changer les petites musiques que nous entendons autour de nous, Chers Amis, particulièrement en ce temps de Noël.
Mardi soir, j’ai piqué une colère tout seul comme un grand chez moi parce que, lorsque je suis venu à la messe ici on était deux. Mais ce n’est pas ça qui compte ! Ma colère était absurde ! D’abord, on était beaucoup plus que deux puisqu’on vous a tous pris dans notre prière, vous étiez là ! et puis il y avait les anges, et puis il y avait les saintes et les saints, les gens qui se réclament de nos prières. On était une foule, comme d’ailleurs ce matin.
Et ce qui compte, ce n’est pas d’être 2, 15, 42, 50 ou 18, ce qui compte c’est d’être UN.
Essayons de changer ces petites musiques qui polluent jusqu’à nos repas de Noël : combien serez-vous ? Plus de 10 ? Attention, s’il y a un non-vacciné parmi vous…
Moi aussi je suis tombé là-dedans pas plus tard que ces derniers jours. Mais c’est une musique malsaine, je crois. Elle tue l’unité. L’important, c’est d’être UN.
Essayons de changer de refrain. Dans le repas que je vais prendre tout à l’heure, comme dans celui que je vais prendre demain, on va essayer d’être UN.
UN avec Jésus qui nous rassemble, UN autour de l’enfant de la crèche qui s’est fait l’UN de nous, justement. Qui est venu épouser notre humanité pour lui rendre sa dignité, comme le disait la prière d’ouverture.
Depuis l’événement de Noël, Chers Amis, TOUT a changé. Il n’y a plus les gens de chez nous et les étrangers, il n’y a plus les hommes de couleur et les autres, il n’y a plus les hommes, les femmes, les L, les G, les B, les T, les iels, les non-genrés et je ne sais quelle appellation abracadabrantesque encore.
Il n’y a plus à revendiquer une différence, quelle qu’elle soit, il y a des personnes. Toutes égales en dignité, quelle que soit leur identité.
Différentes, certes. Bien sûr ! Nous le sommes tous.
Mais chacune infiniment respectable, chacune d’égale dignité, chacune appartenant au genre humain, chacune méritant d’être aimée, soignée, sauvée.
Le temps de revendiquer une différence est balayé par l’événement de Noël qui dépasse tout cela : oui chacun est unique, mais oui – aussi – nous sommes tous égaux en dignité.
Essayons ensemble, Chers Amis, d’être UN. Changeons les refrains à la mode pour chanter au Seigneur un chant nouveau, comme le psaume nous y invitait. C’est une nouvelle mélodie que notre monde a besoin d’entendre, de nouveaux refrains.
Soyons des messagers de la paix et non de la discorde, c’est le prophète Isaïe qui nous le faisait remarquer dans notre première lecture : « ils sont beaux, disait le Prophète, les pas du messager qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut. »
Soyons ces messagers de paix, de bonnes nouvelles, de salut, dans nos repas de fêtes, dans nos familles, auprès de nos amis.
Et particulièrement en ce temps de Noël. Parce que si nous, les Chrétiens, nous ne sommes pas des messagers de paix au temps de Noël, alors qui le sera ?
Annonçons que chaque être humain est de même dignité. Arrêtons de stigmatiser les différences, de compter.
Je ne vous dis pas que les différences n’existent pas, ce serait absurde, elles existent, il n’y a qu’à nous regarder, nous sommes tous différents ! Je ne vous dis pas qu’il faut les gommer, ce serait une autre absurdité. Je vous dis que le Christ est venu nous les faire dépasser.
Quand vous dépassez une voiture, elle existe toujours ! Vous ne l’avez pas « effacée » ! Mais c’est pareil, quand on dépasse nos différences, elles existent toujours, mais nous les dépassons, nous allons plus loin.
Hier soir je suis passé dans tous les services de l’hôpital de Rennaz, j’ai fait tous les couloirs et toutes les unités. Je suis passé apporter un petit chocolat à chaque personne qui travaillait hier soir, du simple nettoyeur jusqu’au cadre, à toutes les personnes que je rencontrais.
Et aux urgences, je peux vous dire qu’on se moque complètement que la personne qui est là soit L, G, B, T, qu’elle ait la peau blanche, jaune, brune, noire, qu’elle soit contre les vaccins ou pour les vaccins, qu’elle soit de gauche ou de droite, musulmane ou chrétienne, croyante ou athée, que sais-je encore ?
C’est une personne qui est là, qui mérite d’être soignée. Parce qu’elle est un être humain. D’égale dignité.
Cette dignité que nous avons acquise par le Christ dans son incarnation.
Cette dignité supérieure devant laquelle même les anges se prosternent, ce n’est pas moi qui le dis, c’était notre deuxième lecture, la lettre aux Hébreux.
Cette dignité incomparable du Verbe incarné, cette lumière qui est en lui et que les ténèbres n’ont pas arrêtée, n’arrêteront d’ailleurs jamais, pour parachever les mots du Prologue de Saint Jean.
Cette vraie lumière qui a éclairé tout homme en venant dans le monde.
Désormais chaque être humain, chacun de nous est habité de cette lumière. Jésus lui-même le dira, passant de l’affirmation « Je suis la lumière du monde » au prodigieux « Vous êtes la lumière du monde ».
Alors Chers Amis, au moment de Noël, je ne demande pas que s’effacent les différences qui font nos identités respectives. Chacune, Chacun, nous avons le droit d’être reconnus pour ce qui fait notre identité.
Mais je suggère que nous les dépassions. Je nous invite à aller plus haut, plus loin, à les englober dans une même dignité, à les unir sans les confondre, exactement comme le Fils est uni au Père sans pour autant se confondre avec lui, exactement comme le Christ s’est uni à notre monde sans pour autant se confondre avec notre monde.
Dépassons nos différences, au moins en ce jour de Noël, souvenons-nous que nous sommes d’égale dignité, du ventre de notre maman jusqu’à notre dernier souffle, que toute vie est digne d’être vécue, protégée, choyée.
Souvenons-nous que nous méritons la santé, qui que nous soyons, quoi que nous ayons fait ou pas fait, quel que soit le nombre de doses que nous avons reçues ou non, quel que soit notre âge, notre état de vie, nos réussites et nos échecs.
Souvenons-nous aussi que l’autre, celui ou celle qui parle en face de nous, à table ou dans nos rencontres, que cet autre possède lui aussi, elle aussi, cette même dignité qui ne se résume ni à ses opinions ni à tel ou tel élément de son identité.
Ce qui fait son identité, fondamentalement, c’est sa dignité d’être humain.
Que ce message que nous apporte l’enfant de la crèche, infiniment fragile à l’aurore de sa vie humaine, « l’enfant perdu qui dormait dans ce frêle vaisseau, l’impérissable nef, ce fragile berceau », comme disait Péguy, que ce message et son messager nous aide à rendre à chaque visage que nous croiserons en ces jours de fête son inaliénable dignité.
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Bex, 25 décembre 2021, 10.00
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