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Homélie pour le 4e dimanche de l’Avent A
Isaïe 7, 10-16 / Psaume 23 / Romains 1, 1-7 / Matthieu 1, 18-24
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Si Jésus avait une carte d’identité – à l’époque c’était plutôt rare ! – mais s’il en avait eu une ou s’il avait eu un passeport, nous aurions certainement pu lire dessus les éléments que nous avons entendus à son sujet dans l’Evangile : il s’appelle Jésus, il s’appelle aussi Emmanuel et il est Fils de David.
Fils de David parce qu’à l’époque de Jésus comme ici d’ailleurs, dans nos régions de montagnes, pour définir quelqu’un on lui demande souvent de qui il est le fils.
Sauf qu’à l’époque de Jésus la réponse n’était pas le nom du papa – sans quoi on aurait dit « Fils de Joseph » ou « Fils de l’Esprit Saint » ou « Fils de DIeu » – mais la réponse était le nom de la lignée, d’un ancêtre lointain qui avait donné son nom à toute la famille… Jésus est « Fils de David », c’est le nom de sa lignée. Son nom de famille, en quelque sorte.
Son prénom, Jésus, veut dire « Dieu sauve », vous l’avez entendu dans l’Evangile. Magnifique n’est-ce pas ? Dieu sauve…
J’espère que vous savez ce que signifie chacun de vos prénoms à vous ? Si ce n’est pas le cas, il est encore temps de chercher ! Sur Internet, il faut se méfier parce qu’on trouve à peu près tout et rien dans ce domaine… et il y a parfois des étymologies capillotractées… tirées par les cheveux, autrement dit.
Jésus a aussi un deuxième prénom : Emmanuel. Qui signifie, le texte nous le disait très bien : « Dieu avec nous ». « IMANOU-EL » en hébreu.
C’est splendide aussi, « Dieu avec nous » ! Comme c’est rassurant de savoir que Dieu est avec nous, qu’il est là, tous les jours, avec nous. « Dieu avec nous », quelle belle devise, n’est-ce pas ?
…Savez-vous que cette devise… on en a fait des horreurs ? On le sait moins aujourd’hui mais « Dieu avec nous » c’était ce qui était inscrit sur les boucles de ceinturon des soldats allemands, en 14-18 et en 39-45 : « Gott mit uns »… « Dieu avec nous ».
Ah c’est clair que la magie de Noël en prend un sacré coup dans les lampions, quand on se rappelle de cela… Les phrases de la Bible ont beau être splendides, on en a parfois fait des horreurs.
Et les Allemands n’ont pas du tout l’exclusivité dans ce domaine, loin de là. Notre religion non plus d’ailleurs. L’histoire se répète : c’est un verset du Coran qui se trouve sur le drapeau des extrémistes de Daesh. Même principe : on prend un verset et on l’érige en étendard pour tuer.
C’est toujours dangereux quand on prend un verset, comme ça, et qu’on le jette à la face des autres.
Parce que l’erreur que l’on fait avec nos livres sacrés, que ce soit la Bible, le Coran, ou tant d’autres, c’est d’en absolutiser les paroles. De croire qu’elles sont faites pour nous et pour nous seulement.
« Dieu avec nous »… sous-entendu « et donc pas avec les autres ! ». Et c’est là que se trouve l’erreur.
C’est exactement comme les syllogismes qu’on nous enseignait à l’école jadis, dans notre enfance, vous vous souvenez de ça :
- Socrate est mortel. C’est juste.
- Tous les animaux sont mortels. C’est juste.
- Donc Socrate est un animal. C’est FAUX.
Mais on est très vite tombé dans ces syllogismes-là, vous savez…
- J’aime le lait. C’est vrai.
- Tous les chats aiment le lait. C’est vrai.
- …je ne suis pas un chat pour autant !
Alors tant que c’est au niveau du chat ou de Socrate, ça va ! Mais le syllogisme du ceinturon de la Wehrmacht est tout aussi redoutable :
- Notre Sauveur s’appelle Dieu avec nous, c’est vrai.
- S’il s’appelle ainsi c’est qu’il est avec nous. C’est vrai.
- Donc s’il est avec nous c’est qu’il n’est pas avec les autres. C’est faux.
Dieu est avec TOUS.
Et c’est exactement la même logique qui fait que les extrémistes d’une autre religion aujourd’hui disent « Allahou Akhbar ». « Allahou » ça veut dire « notre Dieu ». Si vous allez dans une messe au Liban on prie Allah, hein ! C’est simplement le mot « Dieu ». Mais le fait de rajouter « ou », « Allahou » ça veut dire NOTRE Dieu. Comme si on pouvait le posséder, le prendre pour nous et pas pour les autres.
Encore une fois, nul n’a l’exclusivité de ce procédé dans l’histoire hélas. On n’a pas fait mieux jadis.
Dieu est avec TOUS. Ceux qu’on aime comme ceux qu’on n’aime pas. Ceux qui nous reviennent comme ceux qui ne nous reviennent pas. Il est avec chacune et chacun, et c’est bien jusque dans son identité que c’est indiqué : Emmanuel… Dieu avec nous.
Paul dans la deuxième lecture rappelait que c’est pour le monde entier, pour toutes les nations qu’il a reçu lui-même la mission d’apôtre. Pas seulement pour ceux qui habitent auprès de lui, pas seulement pour ceux qu’il aime bien. Pour tous ! Mission qu’à la suite des disciples nous avons reçue nous aussi, de par notre baptême.
Et si Jésus a reçu ce nom, « Dieu avec nous », la première lecture le disait, c’est précisément pour le bien. Pour « rejeter le mal et faire le bien », disait le prophète Isaïe.
Pour rejeter le mal et faire le Bien…
Mais là aussi on peut très bien poursuivre les syllogismes :
- Je suis un soldat de l’armée, mon ceinturon porte le nom du prince de la Paix. C’est vrai.
- Maintenir la paix dans mon pays, c’est rejeter le mal et faire le bien. C’est vrai.
- Et comme le mal est mon ennemi, je vais faire la guerre à mes ennemis et tuer d’autres êtres humains. C’est faux !
Tu ne tueras pas, c’est pas une option, hein ! C’est un commandement, jusqu’à nouvel avis…
Rejeter le mal et faire le bien, c’est donc – forcément – ne pas tuer.
Dieu est venu pour nous. Pour nous tous. Chaque peuple de la terre peut le dire : Dieu est venu pour nous… Ça n’empêche qu’il est venu aussi pour tous les autres. Ceux qui ne sont pas là ce soir, ceux qui ne croient pas en lui, aussi.
Dieu, à Noël, dans une semaine, revient pour nous TOUS.
Et au moment de nos repas de Noël, vous en aurez peut-être déjà ce week-end, à la table de nos fêtes de familles, il y a souvent – souvent ! – une personne qu’on aime un peu moins. Surtout plus la famille est nombreuse ! On est 36 chez moi, la table est grande, mais il y a forcément des gens qui s’apprécient un peu plus ou un peu moins.
Et on redoute à chaque Noël d’être assis en face de la personne qu’on apprécie un peu moins (ou juste à côté) !
Eh bien je vous propose un petit exercice pour les prochains repas de famille que vous allez certainement vivre à droite, à gauche : regardez, au moment de l’apéro, regardez cette personne que vous aimez un peu moins, auprès de qui vous redoutez d’être placé à table… regardez cette personne avec laquelle, peut-être, vous êtes même en conflit, avec laquelle ça ne se passe pas bien…
Et profitez de l’apéro pour la regarder tranquillement, discrètement.
Regardez cette personne-là et dites-vous que Dieu est venu aussi pour elle. Autant que pour vous. Que Dieu aime cette personne exactement comme il vous aime vous. Ni plus, ni moins. Pareil !
Essayez de faire cet exercice dans votre tête ensuite, à table, dans votre cœur. Lorsque la discussion prendra un tour que vous n’appréciez pas, lorsqu’on abordera un sujet qu’il ne fallait pas aborder… Essayez de vous dire que Dieu aime cette personne qui vient de la même manière qu’il vous aime, vous. Qu’il est venu pour elle exactement comme il est venu pour vous.
Alors… alors Noël retrouvera son aspect universel, sa valeur pacifique, pacifiante, jusque dans nos cœurs…
Alors Noël sera vraiment la paix jusque sur les boucles de nos ceintures sur lesquelles – Dieu merci, sans doute – on n’inscrit plus aujourd’hui que des marques d’habit… et plus des versets bibliques.
Ça veut pas dire que ce soit moins dangereux : ceux qui n’ont pas la même marque que moi sont-ils meilleurs ou moins bons que moi ? L’histoire se répète… Dieu est venu pour tous, les bons comme les autres.
Mais l’être humain est ainsi fait qu’il va falloir, je le crains, redire et redire encore tout cela.
Ça ne fait rien. A vous de le dire aussi, dans vos repas de famille cette année. Dieu est avec nous. Avec Chacune, Chacun de nous, qui que nous soyons. Et il l’est éternellement.
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Les Diablerets, samedi 17 décembre 2022, 18.00
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