C’est le choix qui rend libre

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Homélie pour le 13e dimanche ordinaire, C

1Rois 19,16b.19-21 / Psaume 15 / Galates 5,1.13-18 / Luc 9,18-24

50 ans de sacerdoce de l’abbé Alain René Arbez

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Vincent J.-J. Lafargue

prêtre

Chers Amis,

Vous vous êtes sûrement déjà retrouvés dans ce que l’on appelle l’embarras du choix. Si je choisis telle solution je vais faire mal à telle personne, si je choisis l’autre solution je vais faire mal à une autre personne.

On connaît bien ces situations. Parfois pour de petites choses toutes simples et puis parfois il s’agit d’éléments beaucoup plus complexes et qui ont pour conséquence une vie entière.

Plusieurs personnes, dans ce genre de cas, choisissent de ne pas choisir. C’est-à-dire ne font pas de choix et tentent de oui aux uns et oui aux autres.

Et, vous avez remarqué, c’est là, précisément, que surgissent les problèmes. Quand on ne sait pas choisir. Car en réalité, c’est le choix qui nous libère. Ce n’est pas de ne pas choisir qui libère… ne pas choisir, ça enferme.

Et vous le savez bien, une fois qu’on a choisi, à condition de ne pas regretter bien sûr, regarder en arrière ce n’est pas la bonne solution.

Une fois qu’on a choisi, on est libéré et on peut avancer.

Les époux, les épouses parmi nous le savent très bien. Quand les adversaires du mariage nous disent : « Ouh là là, se marier, c’est s’enchaîner toute une vie à la même personne ! » Non ! Se marier c’est poser un choix, libre. Le temps des mariages forcés est révolu. Et c’est un choix qui libère. Qui libère de tous les autres choix, de tous les autres visages possibles. Le mariage, c’est un choix qui libère.

Exactement d’ailleurs comme la vie religieuse et son célibat. Beaucoup de gens critiquent l’Eglise catholique pour ce célibat… mais permettez-moi de vous dire, Chers Amis, que, de tous les choix que j’ai faits dans ma vie, ce choix-ci, précisément, est l’un de ceux qui m’a le plus libéré.

Je sais qu’il en va de même pour toi, mon cher Alain René. Personne ne nous l’a imposé, ce choix, puisque personne ne nous a obligés à devenir prêtres. On ne l’a pas fait sous la contrainte ! Nous avons choisi librement de répondre à cet appel, en choisissant aussi ce que cela implique. Exactement comme des mariés choisissent librement de se donner l’un à l’autre, en choisissant aussi la fidélité que cela implique.

Ce n’est pas un jubilé d’or… ce sont des noces d’or que nous fêtons. Il y a un vrai parallèle entre le sacerdoce et le mariage.

Et ce choix rend libre une fois qu’on l’a posé. A condition de ne pas regretter, bien sûr.

Or tous les textes de ce jour nous parlent, chacun à sa manière, de nos choix et de nos libertés.

Il y avait tout d’abord l’étrange histoire de la vocation d’Elisée, dans le Livre des Rois.

Vous l’avez entendu cet épisode, tout à fait particulier, où Elie, le prophète, passe. Il y a là un agriculteur qui est aux champs, en train de terminer son douzième arpent de terre… Ce n’est pas innocent : douze, dans la Bible, c’est un chiffre qui dit l’accomplissement. Il est au bout de la douzième ligne, et le texte nous précise qu’il n’y en a que douze.

Il est au bout de quelque chose, cet agriculteur, peut-être même au bout de sa vocation d’agriculteur, allez savoir. Peut-être a-t-il besoin d’un nouveau départ, d’un nouvel appel.

Il s’appelle Elisée. Et quand le prophète Elie passe, il jette son manteau vers Elisée.

Pour celles et ceux qui ne sont pas forcément au clair avec les symboles de la première Alliance, ce geste peut sembler étrange.

Et pourtant, même si vous n’êtes pas spécialistes de l’Ancien Testament, j’espère que dans votre enfance vous avez joué au mouchoir ! oui, je vois à certains sourires que c’est connu.

On se mettait en cercle, assis, et l’un de nous marchait à l’extérieur du cercle, comme ça, l’air de rien. Et tout à coup il jetait un mouchoir exactement comme Elie jette son manteau vers Elisée. Et alors le joueur derrière lequel le mouchoir était tombé devait se lever – d’abord il devait remarquer que le mouchoir était derrière lui – il devait se lever et courir à toute vitesse pour rattraper l’autre.

Et si par malheur un tour complet s’était déroulé sans que le joueur ne réagisse, eh bien c’était trop tard. Il y avait urgence à répondre.

Exactement comme lorsqu’Elie jette son manteau. Il y avait urgence à répondre à un nouvel appel. Jeter son propre manteau à quelqu’un, c’est une manière de lui donner notre rôle. De dire à cette personne : « Eh bien prends ma suite ! A toi de revêtir cette fonction que j’avais jusqu’ici. A toi de prendre ma suite maintenant. »

C’est exactement ce que fait Elie avec Elisée.

Mais que fait Elisée ? Est-ce qu’il dit à Elie : « OK, pas de problème, je te suis, d’ailleurs je mets le manteau ! » ? Non.

Non, il prend le temps de se mettre en condition de faire ce choix. Quand on pose un choix, évidemment, il faut être dans de bonnes conditions. Se désencombrer, se libérer de ce qui pourrait nous retenir.

Et vous l’avez entendu, Elisée va sacrifier les deux bœufs qui tiraient la charrue, faire la fête avec ses proches grâce à cette viande, et même, vous l’avez entendu, brûler la charrue. Une manière de dire : « Mon premier métier est derrière moi, je me désencombre, je ne le ferai plus jamais. » Et ensuite seulement il va ramasser le manteau.

Le navigateur Cortes, quand il arriva dans le Nouveau Monde, brûla ses vaisseaux pour être certain que rien, rien ne lui donne l’idée de repartir. C’est la même idée, plusieurs siècles après Elisée.

Poser des choix ce n’est pas simple, dans une vie. Dans l’Evangile, Jésus est confronté à trois rencontres qui vont nous montrer trois manières de choisir et trois écueils à éviter.

Vous l’avez entendu, la première personne qu’il rencontre c’est un homme qui lui dit : « Je veux te suivre ! » – peut-être as-tu dit cela au Seigneur il y a cinquante ans, Alain René ! – « Je veux te suivre partout où tu iras ! »

Et Jésus a cette réponse étrange : « Le Fils de l’Homme n’a pas de pierre où reposer la tête. »

Une manière pour Jésus de dire : « Alors comme ça, Alain, tu veux me suivre ? Mais viens ! Simplement ce ne sera pas un hôtel 5 étoiles. Ce ne sera pas un voyage de tout repos, de me suivre. »

Tu l’as suivi. Ce n’est pas simple tous les jours de suivre Jésus, mais c’est le bonheur de toute une vie, n’est-ce pas ?

Et puis il y a la deuxième rencontre. Cette fois c’est Jésus qui appelle : « Suis-moi ! », dit-il à un homme. Et que répond l’homme ? « Laisse-moi d’abord enterrer mon père. » Et la réponse de Jésus nous choque, habituellement : « Laisse les morts enterrer leurs morts. »

Une manière de dire tout simplement : « Si tu es appelé, si tu as un choix à poser, alors pose le choix qui t’amène vers la vie.

Jésus ne veut absolument pas fustiger les gens qui prient pour les morts, par cette parole, vous le sentez bien. C’est pas du tout la question.

Bien sûr qu’il faut honorer nos morts !

Mais dans le cas d’un choix, si ce choix est urgent, alors il faut choisir le choix qui mène à la vie. Pas celui qui regarde en arrière.

Enfin, à la troisième personne qui veut suivre Jésus mais qui lui dit : «  Je vais te suivre mais d’abord je vais dire au revoir à mes parents. », Jésus dit : « Tu ne peux pas faire les deux à la fois. Soit tu mets la main à la charrue et tu avances. Soit tu regardes en arrière. Mais tu ne peux pas faire les deux en même temps. Une chose après l’autre. »

Ce que Jésus nous enseigne, ce n’est pas de ne pas dire au revoir à ses parents, c’est : une chose après l’autre, pas les deux en même temps.

Il ne faut pas vouloir faire deux choses à la fois, faire un choix et en même temps le regretter juste après. Ça ne va pas.

On prend le temps de regarder en arrière lorsque c’est nécessaire, et ensuite on pose un choix et on avance.

C’est cela qui rend libre.

Et Paul, dans sa lettre aux Galates, parlait de cette liberté à sa manière. Il passe son temps à nous dire qu’on est libre, Paul.

Vous êtes libres. Vous êtes venus librement ce matin à cette messe, enfin j’espère ! Personne ne vous a forcés ! Si on vous a forcés, vous êtes dans une théologie d’il y a plus de 50 ans… il est temps de faire une mise à jour. Alain René a beau avoir été ordonné il y a 50 ans, il a fait des mises à jour, il ne prêche plus comme il y a cinquante ans !

La religion chrétienne est une religion de la liberté. On l’a oublié trop souvent.

Mais en même temps, Paul le dit très bien, on a un corps, avec ses défauts, on a notre enveloppe charnelle, on a notre humanité… Et de tout cela nous ne sommes pas libres ! Votre corps, vous ne l’avez pas choisi. Mais cela viendra, cette liberté, grâce à la Résurrection.

Nous sommes libres. Et grâce au Christ nous sommes en chemin de liberté, aussi. Ça n’est pas contradictoire.

Alors chers Amis, quand nous avons des choix à poser dans nos vies, à l’image de ce que propose le Christ, posons-nous la question :

  • Quel est le choix qui va annoncer le Royaume ?
  • Quel est le choix qui va m’aider à ne pas regarder en arrière ?
  • Quel est le choix qui va me sortir de mon petit confort même si du coup je n’ai plus d’endroit où reposer la tête ?

Pour toi, Cher Alain René, ce choix fut celui de suivre Jésus en devenant son serviteur, il y a 50 ans de cela.

Merci du choix que tu as fait jadis, et que tu refais, chaque matin, depuis.

Comme les époux qui ont une autre vocation mais qui, eux aussi, se redisent oui chaque jour.

C’est en posant des choix que l’on devient libre, pas en refusant de choisir ou en tentant de vivre deux vocations à la fois.

Merci, Alain-René, d’être un exemple de choix, de liberté, de vie donnée !

Merci d’être un exemple sur mon chemin de prêtre et sur tous nos chemins de vie.

Amen.

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Genève, Jean XXIII, dimanche 26 juin 2022, 11.00

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