Photo libre de droits : pixabay
Homélie pour le 15e dimanche TO, année C
Deutéronome 30, 10-14 / Psaume 18(19) / Colossiens 1, 15-20 / Luc 10, 25-37
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Qui est votre prochain ? Voilà la question que pose le docteur de la Loi à nos esprits, ce matin, tout en l’ayant posée à Jésus à l’époque. Qui est mon prochain ? Et Jésus de lui raconter la fameuse parabole du bon samaritain, que nous venons de réentendre et qui nous arrive de manière un peu faussée à l’oreille.
Pourquoi faussée ? Parce que, dans nos esprits actuels, contemporains, un Samaritain par définition c’est quelqu’un qui doit s’occuper de ce malheureux dépouillé, blessé, cogné par des bandits.
Toutes les personnes, dans cette chapelle, qui ont leur permis de conduire ont d’ailleurs dû suivre un cours de samaritain jadis ou de premiers secours. C’est la loi en Suisse, de manière à ce qu’en bons conducteurs nous puissions prêter assistance à qui en a besoin.
Donc dans notre esprit, un Samaritain, c’est quelqu’un dont le métier est précisément de secourir ceux qui en ont besoin, c’est un secouriste.
On oublie un peu vite, en fait, qu’à l’époque de Jésus et dans notre Evangile, un Samaritain c’est simplement un homme qui vient de Samarie. Exactement comme un Genevois est un homme qui vient de Genève, et un Fribourgeois un homme qui vient de Fribourg.
Ce n’est qu’à partir de cet Evangile qu’on a défini les Samaritains comme le métier de ceux qui portent secours aux autres. Mais dans cette histoire, c’est juste un homme qui vient de Samarie.
Il nous faut absolument déconstruire cela pour bien comprendre cet Evangile.
Cet homme, ce n’est pas son métier de secourir ce blessé. Il n’a peut-être aucune connaissance médicale ou en premiers secours. Il a de l’huile et du vin avec lui, une monture et un peu d’argent. C’est tout.
Et cet homme passe, comme voyageur, sur la route où gît ce malheureux blessé. Il va lui administrer les premiers secours alors que ce n’est pas son métier. Il va le charger sur sa propre monture et donc marcher, lui, le reste du chemin à pied.
Il va prendre soin de lui, l’emmener dans une auberge et puis même encore faire en sorte que l’on continue à s’occuper de lui alors que lui-même sera parti, en laissant de l’argent à l’aubergiste.
Ça pose évidemment la question, redoutable : qu’aurais-je fait, moi ? Notre première réaction aurait peut-être été de dire : « Oh là là, il y a un blessé, ce n’est pas mon métier… »
Bon, on a des téléphones portables maintenant, on peut appeler le 144, d’accord. C’est déjà pas mal si on le fait ! Lors d’une catastrophe ferroviaire il y a quelques années en France, les premières personnes qui sont arrivées sur place, plutôt que d’appeler les secours se sont mis à dépouiller les blessés.
…En France, hein ! Pas dans le Tiers-Monde ! Ça dit quelque chose !
…Quelle aurait été notre première réaction ?
La deuxième question qui est posée, non moins redoutable, est : « qui est mon prochain ? »
Et je crois que notre prochain, ce n’est pas forcément celui que nos journées bien réglées, les journées de nos métiers ou de nos occupations, nous envoient. C’est bien celui que l’IMPREVU met sur notre chemin. Celui qui vient déranger le programme de la journée. Pas forcément un blessé d’ailleurs. Celui qui vient s’insérer au milieu de notre programme bien-réglé. C’est peut-être lui notre prochain.
Quelle est notre réaction à l’imprévu, alors ? Parce que c’est souvent Dieu qui surgit dans nos journées de manière imprévue, derrière le visage de ces personnes !
J’ai honte de rappeler ici qu’avant l’homme de Samarie, deux prêtres sont passés sur ce chemin, ont vu le blessé et ne se sont pas arrêtés.
Là aussi le texte est détourné à notre oreille. Si vous avez bien écouté vous devriez avoir envie de me corriger et de me dire : « Non, non, il y avait un prêtre et un Lévite. »
Oui, seulement les Lévites étaient des prêtres, à l’époque de Jésus.
Ce sont donc DEUX prêtres qui ont vu ce blessé et qui, le texte nous le dit, ont changé de côté, en plus, non contents de passer leur chemin.
Une expression qui souligne par la même occasion que les deux hommes de Dieu sont passés de l’autre côté de la frontière entre le bien et le mal, ce faisant. Ils sont passés du côté obscur de la force, si vous me permettez cette image cinématographique. Du côté obscur de la Loi, le côté qui assèche, qui vide la loi de son sens.
« Je ne suis pas Samaritain. Je ne suis pas médecin. Je ne suis pas secouriste. Ce n’est pas à moi de m’en occuper. » Ou le très helvétique : « Ce ne sont pas mes affaires. »
Ça, c’est le côté obscur de la Loi.
Moïse que l’on retrouvait dans notre première lecture, le livre du Deutéronome, nous rappelait que la Loi du Seigneur est toute simple.
Elle est dans notre bouche, elle est dans notre cœur cette loi, elle est parfaite, comme le chantait le Psaume.
Cette Loi qui, comme toute chose, trouve son accomplissement dans le Christ, comme le disait notre deuxième lecture, l’Apôtre Paul aux Colossiens.
Cette Loi toute simple, cette loi parfaite, cette loi qui trouve son accomplissement dans le Christ, quelle est-elle ? Aime Dieu et aime ton prochain comme toi-même.
AIME TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME… c’est pas bien compliqué. Pas besoin d’être secouriste diplômé, infirmière, médecin, urgentiste, ambulancier, non…
Aime ton prochain… Pas seulement celui qui est blessé, d’ailleurs !
Souris à la personne que tu croises dans la rue, ou en sortant de cette messe ! Il y a tellement de gens qui sortent de nos messes en faisant une tête d’enterrement mais… je ne sais pas moi, mais c’est la vie que nous recevons ici ! Autant sourire lorsqu’on en ressort.
Notre pays et nos villages ont cet immense avantage qu’on se dit « bonjour » dans les rues, nous. Si vous faites ça dans le métro à Paris, vous risquez un mauvais coup. Mais ici, on peut le faire ! On se dit « bonjour » quand on se croise. Mais je crois que ça commence là, aimer son prochain !
Et puis si tu vois qu’il est perdu, indique-lui le chemin avec gentillesse. Et si tu vois que son sac est bien lourd à porter, eh bien propose-lui de l’aide. Et si tu vois que c’est un aveugle qui veut traverser la rue, eh bien prends-lui la main. Et si c’est au téléphone que ton imprévu de prochain t’appelle, et si c’est pour une enquête, un sondage téléphonique, et que c’est la cinquantième fois que tu es dérangé ce mois-ci, eh bien accueille-le tout de même avec gentillesse, c’est son métier, le pauvre ! Il n’a pas à se faire insulter pour autant…
Aime ton prochain… Ne le laisse pas au bord de la route… ne le laisse pas au bord de ta vie.. ne le laisse pas sans nouvelles… ne passe pas de l’autre côté.
Demandons à Dieu de nous ouvrir les yeux sur nos prochains et de nous aider à les aimer.
___________________________________________
Les Diablerets, samedi 9 juillet 2022, 18 h.
Carmel du Pâquier, dimanche 10 juillet 2022, 9 h.
Laisser un commentaire