Jésus en vacances

Classé dans : Homélies, Méditer | 1
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Photo libre de droits : pixabay

Homélie pour le 20e dimanche TO, année A

Isaïe 56, 1.6-7 / Ps 66(67) / Romains 11, 13-15.29-32 / Matthieu 15,21-28

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Jésus est en vacances. Comme je l’étais hier encore, Jésus, dans le passage que nous avons entendu, est en vacances.

Vous allez me dire : « Comment le sait-on ? » Eh bien le texte nous le dit, avec ses mots à lui. Tout au début de notre Evangile de ce matin, on nous dit que Jésus s’est retiré – il est donc en retraite, en temps de repos. Et on nous précise qu’il s’est retiré dans la région de Tyr et de Sidon, cela représente les beaux endroits de l’époque, les stations balnéaires si l’on peut dire. Même si on imagine assez mal Jésus revêtu de crème solaire sur la plage, évidemment. Mais il est en vacances.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais quand je suis tranquille sur une plage, j’ai une sainte horreur qu’on vienne me déranger pendant ma sieste ou dans ma lecture, lorsque je suis en vacances. Le reste du temps, on peut m’appeler n’importe quand, même la nuit, je réponds. Mais en vacances c’est différent.

Et c’est exactement ce qui se passe ici, la plage, la sieste et la lecture en moins ! On vient déranger Jésus dans son temps de repos.

Une femme vient lui demander de guérir sa fille. Une femme de l’endroit, donc une étrangère pour Jésus, puisqu’il est à l’étranger. Et que fait-il ? Eh bien d’abord il ne répond pas.

Je le comprends un peu, Jésus. Moi sur la plage, quand je suis encore à moitié endormi, je ne réponds rien à la première personne qui m’interpelle. Surtout si c’est encore le marchand de bibelots qui passe pour la 42e fois essayer de me refourguer ses objets.

Seulement, dans notre épisode, les amis s’y mettent. Et ça c’est dur, quand les gens qui sont autour de nous s’y mettent aussi, pour nous tirer de notre sieste et nous dire : « C’est important, tu devrais écouter ! »… Et pour Jésus, ce sont ses disciples qui lui demandent d’intervenir.

Et là Jésus va réagir. Il dit… non !

« Non, je ne suis pas là pour ça. »

Mais ensuite, c’est la femme elle-même qui reprend la parole et qui s’adresse à Jésus. Se passe alors un dialogue étrange que vous venez de réentendre, qui parle de petits chiens, de miettes tombées de la table… Et sur ce, Jésus affirme tout à coup que la foi de cette femme est grande. Et il accède à sa requête en guérissant sa fille.

Il y a de nombreuses suppositions sur le sens à donner à ce passage, aux chiens, aux miettes, à la table, il y a des articles entiers qui ont été écrits là-dessus par des théologiens bien plus savants que moi… Pour ma part, quand un passage me semble  étrange, plutôt que d’essayer de l’expliquer, cela allume un petit clignotant jaune dans ma tête et je me dis : « Attention ! Il y a peut-être là quelque chose à comprendre d’un peu plus profond que ce qui apparaît au premier abord… »

Alors essayons de le faire ensemble.

Reprenons : Jésus est à l’écart, dans un pays étranger, il se repose. Une femme étrangère vient le trouver, en lui disant que sa fille est tourmentée par un démon.

Première réponse : le silence. Et, quand il y a le démon dans le coup, c’est pas plus mal, le silence, vous savez. Jésus passe son temps à nous dire qu’on ne négocie pas avec le démon, jamais.

Mais les disciples insistent : ce n’est pas cette femme qui est tourmentée par le démon, c’est sa fille. Alors Jésus détourne la demande et dit : « Je ne suis pas là pour cela ». Et ce faisant il nous tend un miroir… Combien de fois avons-nous la tentation de dire « je ne suis pas là pour ça… c’est pas mes affaires… ça me regarde pas… » ?

Parce qu’elle est très subtile, cette tentation ! C’est très subtil de dire « c’est pas mes affaires… y a bien quelqu’un qui le fera… »

« …Il n’y a plus personne pour telle tâche dans la paroisse ? C’est pas mes affaires. Moi j’ai assez donné… Y a bien quelqu’un qui le fera… »

Et Jésus, dans cet épisode, est tenté. Parce que c’est un être humain, en plus d’être Dieu ! Il est tenté comme nous, ça lui est arrivé aussi d’être tenté par le démon, nous le savons bien, et c’est le cas ici.

Il est tenté de dire « ça ne me regarde pas, c’est pas mes affaires, y en a d’autres qui le feront bien mieux que moi. » et il le dit, d’ailleurs : « Je ne suis pas ici pour cela. »

Seulement c’est Jésus ! Il est bien meilleur que chacune et chacun de nous. Donc il va corriger le tir tout de suite, il va se rendre compte immédiatement qu’il a été tenté mais qu’une autre réponse est attendue et que, bien sûr que si, ce sont ses affaires ! La femme étrangère insiste, il y a un petit dialogue, et Jésus va lui dire qu’elle a la foi, et que sa foi est grande, en plus.

C’est une étrangère, elle n’a pas la même foi que lui, et probablement que ses disciples se disent : « Qu’est-ce que cette étrangère vient déranger le Maître ! Elle pense pas comme nous ! » Mais Jésus est Dieu, en plus d’être homme. Et donc, lui, sait juger de la foi de quelqu’un. Seul Dieu peut juger de la grandeur ou non de la foi de quelqu’un. C’est ce que Jésus fait ici avec cette femme cananéenne, en lui disant : « Grande est ta foi ! »

Rappelez-vous, c’est loin d’être un détail, cette femme est étrangère.

Ça veut dire qu’elle ne croit pas au même Dieu que Jésus. Et Jésus lui-même vient lui dire : « Ta foi est grande ! »…intéressant !

Face à quelqu’un d’une autre religion, face à quelqu’un d’une autre culture, est-ce que nous nous posons cette question ? Est-ce que nous nous disons : « Peut-être que Dieu juge que sa foi est grande… Peut-être même que sa foi est plus grande que la mienne ! »

Ce musulman qui fait le ramadan, ce juif qui s’apprête à célébrer Kippour, ce bouddhiste que l’on découvre en prière quelque part, est-ce que nous le jugeons d’emblée dans notre cœur en disant « Oh ça… c’est pas ma religion, c’est son dieu à lui, c’est pas mes affaires… » ou est-ce que nous nous disons : « Dieu le voit et dit peut-être ‘ta foi est grande !’ comme Jésus regardait cette étrangère…

Posons-nous ces questions face aux personnes qui ne pensent pas comme nous. C’est la première lecture qui venait nous rappeler cela. Le prophète Isaïe nous avertissait de la part de Dieu : « Ma justice, disait le prophète, ma justice va se révéler. Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière… »

Eh oui… Dieu fait cela aussi pour des personnes qui ne sont pas sur les bancs de cette église ce matin. Y compris – et pourquoi pas – pour des gens qui prient différemment, qui croient différemment. Le pape François l’a martelé aux jeunes des JMJ à Lisbonne au début de ce mois d’août : « En Eglise il y a de la place pour TOUS, pour toi, pour moi, POUR TOUS ! » Et pour tous les autres aussi.

La deuxième lecture nous rappelait que Dieu est capable de miséricorde infinie. Il ne fait pas uniquement justice à ceux qui font du bien, ni à ceux qui croient comme nous. Il fait aussi miséricorde à tous les autres.

Alors si d’aventure ces prochains jours quelqu’un venait vous déranger dans votre sieste… souvenez-vous de cette petite histoire.  Vous serez peut-être tentés de dire « c’est pas mes affaires ! ».

Mais souvenez-vous, Jésus aussi a été tenté comme vous, et il a fini par se dire : « Si, ce sont mes affaires. Alors je vais y aller. »

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Leysin-Feydey, dimanche 20 août 2023, 10.15

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  1. Michelle EL HAGE

    Tout de même on voit bien la provoc de Jésus vis-à-vis de cette femme. Elle avait une telle foi qu’il a voulu la faire aller plus loin et ça devant ses disciples tellement « biens dans la droite ligne de la foi » ! Elle n’a pas hésité à répondre à sa provoc pour ce qui est des miettes que les petits chiens viennent laper sous la table (eux aussi, autrement dit : les païens), Son humilité et sa résistance en ont fait une grande et belle âme. Jésus n’a pas pu résisté;
    C’est tellement beau de vérité et de grandeur. C’est aussi déjà l’ouverture du salut à d’autres qu’aux juifs.

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