C’est quoi, une famille « normale » ?

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Montage : logo « manif pour tous » (domaine public)

Chers Amis,

Plusieurs d’entre vous ici le savent peut-être, dans ma famille nous sommes quatre frères, quatre garçons. Nous n’avons jamais eu de sœur hélas. Et mes trois frères sont bien plus âgés que moi, ils ont quinze ans d’écart avec moi, au bas mot, et dix-huit ans pour l’aîné. Ils se sont donc mariés quand j’étais encore enfant.

Chez mes parents, à Genève, il y a une étagère dans le salon avec les trois photos des mariages de mes frères. Quand j’étais adolescent, je regardais ces photos, une… deux… trois… et… une place vide. Et évidemment je comprenais confusément qu’il me faudrait un jour remplir ce vide… la place vide, elle était pour moi, pour mon futur mariage à moi.

Le problème avec Dieu c’est qu’il obéit rarement à la logique, vous avez remarqué ?

Alors nous fêtons la Sainte Famille, ce soir. Loin de moi l’idée de proclamer sainte ma famille à moi , je vous rassure ! Ce n’est pas ce parallèle-là que je souhaite faire.

Mais pour beaucoup, et notamment chez notre grand voisin français jusque dans les manifs de la « Manif pour Tous » jadis, pour beaucoup le modèle familial chrétien semble très clair : un papa, une maman, des enfants – habituellement deux, un garçon et une fille comme ça, ça équilibre bien. D’ailleurs le petit logo de la « Manif pour Tous » jadis était ainsi fait : on y voyait la silhouette d’un Papa, la silhouette d’une Maman, la silhouette d’un petit garçon et la silhouette d’une petite fille.

Dans ma famille, avec quatre garçons et aucune fille on était déjà assez mal barré pour l’équilibre. Mais mes parents étaient loin de se douter qu’il n’y aurait que trois mariages sur les quatre, et que la quatrième cérémonie serait un petit peu différente.

Vous voyez, Chers Amis, il faut laisser une chance à Dieu avant de plaquer des modèles sur ce qu’on croit penser de lui. Il a peut-être bien quelque chose à nous dire à l’intérieur de ce que l’on croit être nos modèles, et ça pourrait bien nous surprendre…

Prenez la Bible, par exemple. Vous verrez, c’est édifiant : il ne s’y trouve pas un seul modèle de famille« normale ». Enfin… j’entends « normale » comme l’entendent les gens qui plaquent l’étiquette « normale » sur tout ce qu’ils aiment et qui flinguent tout ce qui ne leur convient pas, bien sûr. J’espère que ce n’est pas votre cas.

Si on y réfléchit bien, même la famille de Jésus n’est pas spécialement « normale ». Eh oui, désolé, mais en terme de couple modèle y a un tout petit peu de friture sur la ligne !

Marie est enceinte alors qu’elle n’est pas mariée (à en croire l’évangéliste Matthieu en tout cas vous irez relire…), Joseph qui va devenir son mari n’est pas le père de l’enfant… excusez-moi mais on est exactement dans ce que dénoncent habituellement les gens qui voudraient qu’une famille soit « normale »… Eh bien désolé mais la Sainte Famille est tout sauf « normale » !

Et tout le reste de la Bible est de même ! Ça commence dès les premières pages, souvenez-vous, la première fois qu’on évoque deux frères dans la Bible – Abel et Caïn. C’est pour nous dire que l’un a trucidé l’autre ! Je ne sais pas si vous trouvez ça « normal » mais j’espère pas !

Comme si la Bible nous disait, d’emblée : « Vous avez le même sang qui coule dans vos veines ? Eh bien ça ne va pas être facile tous les jours, vous allez voir… »

Et ce n’est pas tout. Prenez les textes que nous avons entendus ce soir. Précisément les textes que l’Eglise nous donne à entendre le jour de la Sainte Famille… On se dit que là, si l’Eglise a choisi ces textes ce jour-là, c’est qu’on va avoir des modèles familiaux, puisque ça vient de la Bible ! Des familles type « un papa-une maman-deux enfants » !

Eh bien pas du tout, vous l’avez entendu, hein !

Le premier texte parle d’Abraham et Sarah. Une histoire fantastique qu’on connaît bien. A cause de la stérilité de Sarah, Abraham va faire un enfant à sa servante Agar… je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait ce qu’on estime « normal »…

Et après ça, Dieu va finalement rendre Sarah enceinte dans sa vieillesse, à plus de 80 ans… ce qui n’est pas, à priori, tout à fait « normal » non plus.

On est assez loin des standards… et ce sont nos ancêtres !

Le psaume, lui, évoquait les fils de Jacob. Alors je ne sais pas si vous avez l’histoire en tête, mais c’est très-très-très loin d’être une partie de plaisir, la famille de Jacob. Entre jalousies, histoires d’héritages, cadavres dans les placards, il y a de quoi faire un bon vaudeville, je vous assure ! Mais c’est tout sauf « normal »…

Quant à l’Evangile, il nous parle du vieux Syméon, qui reçoit Jésus dans ses bras et qui proclame qu’il voit le Messie. Syméon, un vieillard.

Vous avez remarqué, Chers Amis, quand on dessine une famille dite « normale », on ne dessine jamais une personne âgée… c’est très injuste. Comme si on voulait d’emblée les éliminer de notre vision de la famille « normale », les éloigner de nous, les parquer dans des homes – je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire… Quand on ne veut pas les euthanasier parce que, au final, ça arrangerait tout le monde à commencer par l’industrie pharmaceutique ou les assurances-maladies puisque les soins palliatifs coûtent beaucoup plus cher qu’un petit cocktail à boire en dix minutes…

Vous avez remarqué, aussi, dans l’Evangile, l’autre personne présente – comme par hasard – c’est une autre personne âgée, Anne, qui a 84 ans.

J’ai peut-être mal lu mais… vous voyez du « normal » là-dedans ? Même dans l’assemblée de ce soir, vous n’avez pas tous 84 ans, pardonnez-moi ! Et là, au Temple, les personnes que rencontrent Joseph et Marie, ce sont deux vieillards…

Et la clé de tout cela, elle était peut-être à chercher dans l’étrange deuxième lecture que nous avons entendue.  Cette mystérieuse lettre aux Hébreux, dont on ne sait pas grand-chose de l’auteur, sinon que ce n’est pas Paul, ça au moins aujourd’hui, on le sait… mais c’est à peu près tout ce qu’on sait de lui !

Et l’auteur de la lettre aux Hébreux, à travers son texte – qui est plus une prédication qu’une lettre, d’ailleurs – nous montre la foi et des exemples de foi, c’est le thème de toute sa lettre. Et c’est peut-être bien le point commun de toutes ces personnes dont je vous parle depuis quelques minutes.

Comme si on voulait nous dire : peu importe la famille que tu as, qu’elle composée, recomposée, déchirée, raccommodée, faite de pièces rapportées, comme on dit parfois, ou de valeurs ajoutées, ce qui est quand même plus agréable à entendre… peu importe ta famille, c’est la Foi qui compte. Et si tu laisses la foi habiter ta famille, alors il se pourrait bien que tu voies des choses étonnantes. Souviens-toi d’Abraham !

Peu importe les mariages ou non de tes enfants, les personnes avec lesquelles ils vivent ou non, peu importe les photos sur l’étagère à la maison, garde la Foi là-dedans !

Laisse une chance à Dieu d’habiter ta famille !

Peu importe que tu n’aies pas un couple tout à fait modèle, Marie et Joseph ne l’étaient pas non plus. Peu importe que tu n’aies pas une famille modèle, la famille de Jésus ne l’était pas non plus. Peu importe que tu aies un arbre généalogique en partie incomplet ou complètement asymétrique. Abraham – qui est pourtant notre ancêtre à tous – en avait un bien pire que le tien.

Et dans l’ascendance de Joseph, donc de Jésus, si on cherche bien, on trouve fort peu de gens dits « normaux ». Entre une prostituée et un assassin, en passant par toutes sortes d’entorses à la loi de l’époque, l’arbre généalogique de Jésus est relativement chargé, hein !

Là aussi, il y a de quoi s’étonner… qu’est-ce que Dieu veut me dire à travers ça ? »

Moyennant notre foi, Dieu vient habiter toutes nos histoires de famille, toutes. Même et surtout les plus complexes, même les plus inavouables, même les plus étranges, les plus surprenantes, mêmes celles qui ne sont pas dans la norme…

Alors aujourd’hui, sur l’étagère, chez mes parents, il y a quatre photos. Trois photos de mariage avec un jeune homme et une magnifique épouse, à chaque fois, dans une belle robe blanche.

Et puis, sur la quatrième, il y a un jeune homme, seul, dans une belle robe blanche. Moi.

Etonnant, le chemin de Dieu, dans ma famille !

Et dans la vôtre ? Tout est vraiment « normal » ?

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Les Diablerets, samedi 30 décembre 2023, 18.00

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