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Homélie pour le 27e dimanche TO, année B
Genèse 2,18-24 / Psaume 127 / Hébreux 2,9-11 / Marc 10,2-16
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Il y a des dimanches comme cela où on a l’impression que les sages de Vatican II, qui ont choisi les textes dimanche après dimanche que nous entendons, que ces sages ont concentré tous les textes les plus compliqués ce matin.
Pourtant, ils sont connus de ces textes que nous avons réentendus. On est même en général certain de les avoir bien compris et donc ça nous énerve. C’est le signe qu’on n’a peut-être pas si bien compris que cela.
Je commence par la deuxième lecture, la lettre aux Hébreux. On nous dit que le Christ a souffert et qu’il est mort. Vous allez me dire : « Bah oui, ça on comprend assez bien, hein ! »
Sauf qu’on s’est habitué à cette idée… Si vous allez trouver un Bouddhiste, un Musulman, un Hindouiste, une personne de religion juive, ils vont vous dire : « C’est pas possible. Dieu ne peut pas souffrir, Dieu ne peut pas mourir, c’est im-pen-sable ! »
Et c’est précisément ce qui fait la beauté de notre christianisme. Mais on s’y est tellement habitué qu’on l’oublie.
Dieu s’est fait l’un de nous.
Il n’est pas une créature vaguement éthérée, là-haut, qui serait à l’abri de toute souffrance, y compris de la souffrance ultime qu’est la mort. Non ! Il a voulu se faire l’un de nous pour vivre ce que nous vivons, c’est à dire pour vivre aussi les souffrances que nous vivons. Et la plus grande d’entre elles, la mort.
Il n’est pas monté aux cieux juste avant de mourir, il a traversé ce que nous allons traverser, vous et moi.
Et ça, c’est unique dans toute l’histoire des religions. Et cela fait du Dieu auquel nous croyons un Dieu infiniment proche de nous, puisqu’il s’est fait l’un de nous jusque-là.
Il ne faudrait pas non plus tirer de ce texte ce que l’on en a parfois tiré : puisque Jésus a souffert, nous devons souffrir aussi pour l’imiter. Catastrophique interprétation ! Non !
Il n’a pas souffert pour que nous souffrions à notre tour, il a souffert parce que c’est notre condition humaine de souffrir. Mais il ne veut pas qu’on souffre davantage. Ce serait absurde de se dire qu’il nous faut souffrir pour lui ressembler. C’est lui qui a voulu nous ressembler.
Si je prends maintenant la première lecture, elle est constellée de malentendus.
D’abord, vous l’avez entendu par la voix de notre lectrice, on commence par parler de « l’homme » et malheureusement ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte hébreu de base, on parle de « l’humain ».
Vous allez me dire : « Bah ça ne change pas grand-chose ! » Si, ça change tout ! L’humain est encore homme et femme au début de ce texte. Ou plus précisément, il n’est pas encore séparé, il n’est ni homme ni femme, il est humain, Adam.
Alors, là aussi, il y a un problème, parce que pour nous, Adam, c’est le premier homme. Non ! Adam, « Adamah », en hébreu, ça veut dire l’humain, pas l’homme. L’humain.
Et Dieu dit, il n’est pas bon que l’humain soit seul, je vais lui faire une… ? Une « aide », dit notre traduction.
Alors Mesdames, quand on voit le mot « aide », on voit assez rapidement la personne qui va repasser les chemises, hein ?
Là aussi, erreur redoutable ! Le mot hébreu de départ, « ezer », signifie non pas aide, mais « secours vital ». C’est pas tout à fait la même idée, hein ! « Je vais faire à l’être humain un secours vital », quelqu’un sans qui il ne peut pas vivre.
Mais de nouveau, c’est pas à l’homme qu’il fait un secours vital, Mesdames : c’est à l’humain. Vous n’êtes pas un secours vital pour votre mari, Mesdames, vous êtes un secours vital pour l’humanité. C’est pas tout à fait la même idée non plus !
Et puis il y a la première opération chirurgicale de l’histoire. Dieu fait tomber l’humain dans un profond sommeil, il ouvre, il en sort une… ? « Côte », dit la traduction. Et c’est à partir de cela qu’il vous crée Mesdames.
Non.
Là encore, le mot hébreu « tsélleh » ne signifie pas du tout « côte ». On l’a traduit un peu facilement par côte. Mais cela signifie les colonnes maîtresses du temple, c’est pas tout à fait l’idée de la petite côte flottante que nous avons ici, hein !
Les colonnes, regardez autour de vous les colonnes qui soutiennent tout l’édifice, ces colonnes qui permettent la vie, qui permettent qu’à l’intérieur de cet édifice il y ait de la vie. C’est ça, l’idée de ce mot.
Et alors ça devient intéressant parce que, Messieurs, Dieu a pris quelque chose à l’humain que, donc, nous n’avons plus. Et il vous a créées, Mesdames, à partir de cette colonne maîtresse qui permet la vie que, donc, vous avez.
Ce qui fait dire à beaucoup de théologiens, et je m’inscris volontiers à leur suite, qu’il s’agit probablement de la matrice, c’est cela que nous, Messieurs, nous n’avons plus, et que vous, Mesdames, vous avez et qui permet la vie précisément.
C’est pour cela qu’à son réveil, celui qui est devenu homme va dire : « Voici la femme, parce que moi je suis l’homme. »
Et là encore une fois, Mesdames, vous remarquez que vous êtes citées en premier. Il ne dit pas « Je suis homme parce que voici la femme », mais « Voici la femme parce que je suis homme. » C’est seulement dans la relation avec elle qu’il se découvre sa propre identité.
Et c’est essentiel pour comprendre l’Évangile.
Car que se passe-t-il dans l’Évangile ? Des gens viennent mettre Jésus à l’épreuve en lui disant : « Est-ce qu’on a le droit de répudier notre femme ? »
Et Jésus, comme très souvent, leur dit : « Mais la question n’est pas là ! Si Moïse a fait cette règle, c’est parce que vous êtes trop durs dans votre cœur. »
La question n’est pas là : j’espère que vous ne comprenez pas vos relations entre hommes et femmes par le droit de vous répudier mutuellement ! Il y a autre chose à la base quand même !
Et comme les disciples n’ont pas bien compris, ils reposent la question. Et là, Jésus leur dit : « Redevenez comme des enfants… »
Et on pourrait se dire : « Mais qu’est-ce que ça vient faire là, au milieu de cette question ? » Il est hors sujet, ça n’a rien à voir avec la question de la répudiation mutuelle !
« Redevenez comme des enfants, parce que sinon vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu »…
Jésus est en train de leur dire : ce qui compte dans les dans le couple, ce n’est pas le fait de se répudier mutuellement, encore moins le droit éventuel de le faire. Ça, ce sont les règles faites pour la dureté du cœur des êtres humains.
Ce qui compte, c’est le fruit de votre relation, c’est l’enfant.
Et alors, ça change tout ! Evidemment que si on redevient comme des enfants, on ne va pas se faire du mal l’un l’autre, autant que possible.
Quel est le regard des enfants ?
C’est le regard de pureté, de simplicité, de bonté.
Et donc, si nous apprenons à regarder l’autre, celle que Dieu nous a confiée, celui que Dieu nous a confié avec un regard pur, avec un regard de bonté, jamais il ne nous viendrait à l’idée de le répudier.
Voyez, Chers Amis, si nous lisons la Bible au premier abord, de manière un peu superficielle, ou – il faut bien le reconnaître – avec les erreurs que nos traductions induisent parfois, eh bien on risque de comprendre de travers.
C’est pour ça que les théologiens existent.
Mais c’est aussi pour ça qu’il y a de petites notes en bas des pages de vos Bibles. Elles ne sont pas là pour décorer, elles sont là pour vous expliquer tout ce que je viens de vous dire. Elles sont là pour que vous puissiez vous dire : « Ah tiens, le mot « aide », c’est peut-être un peu plus que cela… »
Lisons donc la Bible avec le regard pur des enfants, en y cherchant ce qu’il y a de bon, en cherchant à envisager l’autre plutôt qu’à le dévisager, et nous ne serons plus très loin du Royaume des cieux dans lequel Jésus nous dit que nous entrerons si nous redevenons comme les enfants.
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Montreux, samedi 5 octobre 2024, 18.00
Bex, dimanche 6 octobre 2024, 10.00
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