Prière contre Vaisselle ?

Photo libre de droits : pixabay

Homélie pour le 16e dimanche TO, année C

Genèse 18, 1-10a / Psaume 14(15) / Colossiens 1, 24-28 / Luc 10, 38-42

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Que n’a-t-on pas dit sur cette page d’Evangile ? Jusqu’à comparer la vaisselle et la prière ! Marthe s’agite, elle est accaparée par les multiples occupations du service, et sa sœur Marie est aux pieds de Jésus et elle l’écoute. 

Cela a induit dans nos esprits une lecture totalement fausse de cette page d’Evangile. Et alors il y a des prédicateurs qui l’on appuyée, cette lecture ! Ainsi les tâches ménagères seraient moins bonnes que d’écouter la parole de Dieu… ça paraît logique au premier abord, n’est-ce pas ? Puisque Jésus dit : « Marie a choisi la bonne part » et que Marie est en train d’écouter la parole…

Et puis on a glissé… ainsi la vie de couple avec ses tâches ménagères serait moins bonne que la vie religieuse… Y a pas plus monstre bêtise que ça, hein ! Il n’y en a pas une qui est meilleure que l’autre !

Alors c’est quoi, la bonne part ? Faut bien écouter le texte… 

Bon évidemment on ne parle pas grec – enfin je ne sais pas s’il y en a qui parlent grec parmi vous ? – Luc écrit en grec et pour bien comprendre il faut déjà aller regarder dans le texte d’origine parce que, quand Luc utilise un mot, ce n’est jamais au hasard.

Dans ce que dit Jésus à Marthe, en français on a traduit par : « Tu t’agites pour bien des choses… ». Le verbe grec est difficilement traduisible en français, c’est « s’agiter en faisant du bruit ». Un peu comme ces personnes qui, quand elles font la vaisselle et que les invités sont au salon, vous savez, tapent bien les assiettes pour que les gens, au salon, comprennent qu’il y a quelqu’un qui fait la vaisselle, pendant ce temps-là. Vous voyez de quoi je veux parler ?

Marthe s’agite en faisant du bruit. Marie, elle, à priori, est plutôt silencieuse. Alors… est-ce que la bonne part, ce serait le silence et la mauvaise part le bruit ? Non, ça n’aurait pas de sens ! Il faut aller creuser encore un petit peu plus…

Vous avez remarqué que Marthe interpelle Jésus. Assez désagréablement d’ailleurs : « ça ne te fait rien que ma sœur m’ait laissée seule pour faire le service ? » Qu’est-ce qu’il y a derrière cette phrase ? Une forme de jalousie, n’est-ce pas ? Elle voit sa sœur qui est en prière, en écoute… elle, elle fait le service… et plutôt que de dire à sa sœur : « Tu pourrais m’aider ? » elle prend à témoin l’invité : « ça ne te fait rien ? » …attitude de manipulation typique !

Et elle va plus loin dans la manipulation. Plutôt que de dire à sœur : « tu pourrais m’aider », elle dit à Jésus : « Tu pourrais pas lui dire de l’aider ? » Quand vous avez un triangle comme ça, c’est qu’il y a manipulation, c’est typique. Marthe tente de manipuler un peu. 

Pourquoi fait-elle ça ? Eh bien parce qu’elle n’est pas à ce qu’elle fait. Si elle était pleinement à son service, en train de faire les différentes tâches nécessaires pour recevoir un invité, si elle était pleinement à ce qu’elle faisait, peut-être même avec la joie de le faire, la joie d’inviter quelqu’un exactement comme dans la première lecture – Abraham et Sarah ont la joie de recevoir ces trois mystérieux visiteurs – si elle était vraiment à la joie de ce qu’elle fait, elle ne regarderait pas sa sœur. 

Quand on est tout à ce qu’on fait, on ne regarde pas ailleurs, vous êtes d’accord ? Si vous êtes à la messe et que vous faites ceci (regarde sa montre), c’est que vous n’êtes pas tout à fait là… Bon ça arrive, hein ! ça arrive qu’à la messe on se dise ; « Est-ce que j’ai éteint le four à la maison ? » Ben oui mais là, on n’est plus tout à fait à ce qu’on fait, à ce qu’on vit… Et on sait bien que quand on n’est pas tout à fait présent, eh bien c’est là qu’arrivent les problèmes, c’est là qu’arrivent des catastrophes.

Marthe n’est pas du tout à ce qu’elle fait, au contraire : elle regarde avec envie ce que fait l’autre. Et ça, c’est pire encore, ça c’est l’envie. L’envie, c’est un venin dans nos vies ! Marie, elle, est entièrement à ce qu’elle fait.

Alors quelle est la bonne part, cette fois-ci ? Ce n’est pas la prière, ce n’est pas l’écoute de la parole par rapport aux tâches ménagères, non ! C’est simplement : « Sois à ce que tu fais, pleinement ! » 

La bonne part, alors, peut tout à fait être la vaisselle, si tu es pleinement à ce que tu fais. La bonne part peut tout à fait être de passer l’aspirateur, si tu es pleinement à ce que tu fais, si tu ne jalouses pas ce qu’est en train de vivre l’autre. Et d’ailleurs, on peut très bien prier en faisant la vaisselle, au passage. Je l’ai encore fait hier soir ! 

Donc, être totalement à ce que l’on fait, même si on fait deux choses en même temps – prier en faisant la vaisselle – être totalement à ce que l’on fait c’est important.

Et puis… si ce que l’on fait est un peu difficile, parce que ça arrive quand même, si ce que l’on fait est un peu difficile, si l’on souffre, eh bien on peut offrir cela aussi au Seigneur. C’est le sens, je crois, de la page de St Paul aux Colossiens que nous avons eue en deuxième lecture. Si ce que tu fais est difficile, alors offre-le, parce que lui, il a déjà sa vie pour toi et il va t’aider.

Souvenons-nous donc de cela, Chers Amis : il n’y a pas une « bonne vie » religieuse et une « mauvaise vie » de couple et de tâches ménagères. Non. Ce serait même une hérésie de penser cela. Il y a une bonne part si l’on est pleinement à ce que l’on fait, si l’on y met tout son cœur, sans regarder ce que fait l’autre, sans envier l’autre, sans tenter de manipuler l’autre pour avoir une meilleure part.

_______________________________________

Bex, samedi 16 juillet 2022, 18.00

Villars s/ Ollon, dimanche 17 juillet 2022, 10.00