Le pavé… mais pas où l’on croit

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Homélie pour le 5e dimanche de Carême, C

Isaïe 43,16-24 / Psaume 125 / Philippiens 3,8-14 / Jean 8,1-11

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis, Mes Sœurs,

Vous connaissez bien sûr la version moins sérieuse de l’évangile que nous venons de réentendre ? J’espère !

Jésus lance sa fameuse phrase : « Que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre ! » et là… il y a un énorme pavé qui vole, qui rate la femme adultère de ça (geste)… et Jésus se relève et dit : « Maman ! Je t’avais dit de ne pas venir ! »… oui, elle est sans péché, bien sûr, Marie.

Je blague, évidemment…

Mais interrogeons-nous par rapport à ce texte. Est-ce que, moi, j’aurais lancé cette pierre ?

Ah  bien sûr, je vous entends penser : « Moi ? Jamais ! »

Mais la loi ordonnait de lancer cette pierre… alors, est-ce que j’aurais enfreint la loi ? Parce que c’est de cela qu’il s’agit. Ils ont tous enfreint la loi en repartant sans lancer la pierre…

Et ce texte vient nous interroger : quel est ton rapport à la loi ? Quand un feu est rouge, que fais-tu ? … Bah on s’arrête, hein, j’espère bien !

Mais si le feu est rouge pendant 10 minutes… ? Pendant 15 minutes… ? Pendant 20 minutes… ? Qu’allons-nous faire ? Passer, évidemment !

Bah oui mais c’est enfreindre la loi ! Quel est notre rapport à la loi ? Peut-être que tout n’est pas rouge ou vert, dans notre loi.

Peut-être y a-t-il une autre manière de regarder la loi.

Un feu jaune clignotant, c’est ce qui se produit quand un feu rouge ou un feu vert est cassé, il passe au jaune clignotant.

Vous avez remarqué comme ça déstabilise les gens ? Tout à coup, il faut regarder… tout à coup il faut faire attention, on ne peut plus passer les yeux fermés parce que c’est vert. Il faut passer lentement, en regardant… Il faut devenir adulte, en somme. Ce que nous ne sommes pas toujours au volant, avouons-le… On est parfois de sacrés adolescents, au volant.

Mais là, il faut devenir adultes, quand le feu clignote au jaune.

Or, dans la loi, le feu est rarement rouge ou vert. Et avec Jésus il est presque toujours clignotant au jaune. Comme si Jésus voulait nous dire : « Il y a la loi… je ne te demande pas de l’enlever, je te demande d’y réfléchir ! Le feu n’est ni rouge ni vert, il clignote. A toi de te positionner par rapport à cela ! »

Et tous les textes d’aujourd’hui nous parlent de notre rapport à la Loi, et donc de notre rapport à Dieu, aussi. Car il y a la loi des hommes mais il y a aussi la loi de Dieu.

On peut bien être le plus fin connaisseur de la loi, si on ne l’applique pas en adulte, en relation avec Dieu et avec nos valeurs, alors on peut commettre des catastrophes. Autant dans un extrême que dans l’autre !

Celui qui applique la loi à la lettre parce que c’est la loi commet autant de catastrophes que celui qui dit « il est interdit d’interdire » et qui va contre la loi par principe.

Dans les deux cas, c’est catastrophique.

Le prophète Isaïe, dans la première lecture, nous parlait du temps de la Loi de Moïse… Cette loi que citent les Pharisiens à Jésus.

La loi de Moïse, c’est les dix commandements. Peut-être pensez-vous que c’était mieux avant… au fond, en ce temps-là il y avait dix lois, c’est pas compliqué ! Et puis les feux rouges étaient assez rares, à l’époque de Moïse, il faut bien reconnaître…

Mais ce n’était pas plus simple, ce n’était pas mieux – surtout – avant.

Isaïe vient nous le redire. Le Seigneur vous forge un monde nouveau, chaque jour, y compris ce matin 3 avril ici, au Pâquier. Hier n’existe plus. Le 2 avril 2022 ne reviendra plus jamais. Et demain n’existe pas encore. C’est aujourd’hui que le Seigneur fait du neuf dans votre vie !

Paul, dans notre deuxième lecture, dans sa lettre aux Philippiens, ne dit pas autre chose quand il s’exclame : « Tout ce que j’avais avant ? Quelle importance ! Je le considère comme des balayures »… dit le texte. C’est un mot très fort ! Tout ce que j’avais avant… aucune importance… ça va dans la balayette.

Paul a conscience qu’aujourd’hui est beaucoup plus important qu’hier.

Notre justice, nos lois, ne nous viennent pas seulement de la Loi de Moïse, ou de l’ordonnance fédérale sur les feux de la circulation, nos lois viennent de nos valeurs. Et pour nous, Chrétiens, elles viennent de la Foi au Christ, donc de notre relation avec Lui. Aujourd’hui. Pas hier ou demain.

Introduire l’idée de RELATION dans la Loi, c’est exactement le sens de notre Evangile, avec ce fameux épisode de la femme adultère.

Les Pharisiens tendent un piège très vicieux à Jésus : « Cette femme est adultère, or la Loi de Moïse dit qu’il faut lapider ces femmes-là. Alors… qu’est-ce que tu vas faire ? »

Et il est coincé ! Soit Jésus suit la loi, et il lapide cette femme… donc il enfreint la loi de Moïse parce qu’il y a quand même « tu ne tueras pas », hein… mais avec la lapidation, c’est très pratique parce qu’on ne sait jamais qui a lancé la pierre qui va tuer… soit Jésus ne lapide pas mais dans ce cas il est en situation d’illégalité.

Il est coincé !

Eh bien non, ce serait mal connaître Jésus ! Il fait ce que nous avons tellement de mal à faire : il trouve la troisième voie.

Tout n’est jamais tout blanc ou tout noir, il y a toujours une troisième voie. Et la sagesse se trouve souvent dans cette troisième voie.

Que dit-il ? « Celui qui n’a pas de péché, qu’il lance la première pierre. » Il a trouvé la troisième possibilité. Il met en relation les gens qui sont là avec leur propre loi.

Il n’a pas accepté la loi ou rejeté la loi, il lui a donné du sens…

Et Jésus nous dit : « Tu veux critiquer ton prochain en l’enfermant dans un article de Loi ? Mais toi, comment tu la vis, cette Loi ? Est-ce que tu la vis avec rigueur, avec sécheresse, impitoyablement ? Ou est-ce que tu la vis avec charité, avec adaptation, humainement ? Est-ce que tu la vis en relation avec Dieu, cette loi ? »

Que celui qui n’a rien, je dis bien RIEN, à se reprocher, condamne son prochain. Résultat ? On le sait bien : personne n’a rien à se reprocher, nous sommes des êtres humains. Et donc personne ne lapide la femme adultère.

Mais Jésus est exigeant. Il ne va pas tomber dans l’autre extrême. Il ne dit pas à la femme adultère : « Tout va bien, tu peux recommencer à vivre comme avant, va en paix… » Non ! Parce qu’elle non plus ne vivait pas en relation avec Dieu, avant.

Que fait-il ? Il lui montre que Dieu est venu la visiter dans l’aujourd’hui de sa vie, pour la sauver, précisément, pour l’arracher à la mort.

Il lui demande de repartir différemment : « va et ne pèche plus. »

Alors là aussi, il faut faire attention à ne pas absolutiser le texte. Cela ne veut pas dire : « Va et ne recommence JAMAIS ! »

Non ! On serait de nouveau enfermés dans la lettre de la Loi. On en manquerait l’esprit.

Mais ça ne veut pas dire pour autant : « Va et recommence quand tu veux ! », non plus…

Il y a une troisième voie. Le péché ce n’est pas ne pas respecter scrupuleusement la Loi, c’est ne pas être en relation avec Dieu. C’est ça, le péché.

« Va et ne pèche plus », ça signifie : « Va, Dieu t’a sauvée, désormais sois en relation avec Lui, ne l’oublie plus, ne désespère plus jamais, sache qu’il sera toujours avec toi, même au cœur du cœur de ton péché le plus sombre. »

Ce n’est pas une parole d’interdit, mais ce n’est pas une parole laxiste non plus. C’est une parole de sens, une parole qui rend adulte. Une parole qui libère. Une parole de vie.

Ce n’est pas le pavé qu’on brandit pour tuer.

Ce n’est pas le pavé qu’on jette dans la mare pour faire scandale.

C’est le pavé qu’on pose, à sa juste place, pour paver tous ensemble une route.

Pas celle qui mène en enfer et qui – comme chacun sait – est pavée de bonnes intentions. Mais celle qui mène au ciel et qui est pavée par nos anciens péchés que Dieu piétine de son Amour infini.

La route qui mène au Royaume de Dieu. C’est celle-là que nous pavons ensemble.

Alors bonne route à Chacune, à Chacun !

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Carmel du Pâquier, dimanche 3 avril 2022, 9.00

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