Homélie pour le Mariage de
Marta et Pierre
Osée 2, 16-18.21-22 / Luc 24, 13-35
Version audio :
Version écrite :
Vincent Lafargue :
Il fallait oser…
Il fallait oser dans tous les sens du terme.
Il fallait oser répondre à l’amour de l’autre.
Il fallait oser reprendre un chemin d’amour.
Je me souviens d’une des premières interrogations de Marta face à moi, à une table de bistrot, loin, loin d’ici : « Est-ce que je saurais encore aimer ? »
Il fallait oser ! Non seulement tu sauras encore aimer, mais tu sauras aimer tout court.
Et c’est bien ce que nous dit le prophète Osée, parce qu’il fallait Osée, dans ce sens-là aussi !
C’est bien ce que nous dit le prophète Osée, qui parle clairement de toi, Marta. Désolé pour toi Pierre, mais ça viendra dans le deuxième texte.
Le prophète Osée parle de toi… Mais qui parle ? Le texte parle de toi, mais qui parle dans le texte ? Qui dit : « C’est moi qui vais la séduire, c’est moi qui la conduirai au désert, c’est moi qui parlerai à son cœur… » ?
Tu as pu croire que c’était Dieu qui te disait ces mots-là, un temps. Tu as été conduite au désert.
Le désert est un lieu étrange pour qui le connaît.
La première chose dont on manque dans le désert, c’est l’eau, très clairement. Au premier jour de marche, on est assoiffé… et je t’ai connu assoiffée.
La deuxième chose au deuxième jour de marche, c’est le soleil qui brûle trop fort. Il y a des brûlures dans ta vie.
Mais à partir du troisième jour, toute personne qui marche dans le désert vous le dira, ce qui nous insupporte, c’est la personne qui marche à nos côtés. Et pourtant, il faut continuer à marcher avec elle.
Se relancer dans une vie à deux, ce n’est pas simple. Parce qu’évidemment, on pense à cela. On pense au fait que, à partir du troisième jour, c’est peut-être lui, c’est peut-être elle qui va m’insupporter.
J’étais tellement bien avec mes habitudes à moi !
Et pourtant… Et pourtant, dans le désert, il y a une présence. « Ce qu’il y a de beau dans le désert, dit le Petit Prince, c’est qu’il cache un puits quelque part »…
Je te conduirai au désert parce que je sais que c’est là que se trouve le puits qui te rendra la vie, semble dire ce texte.
Parce que, le texte le disait bien : « Je te rendrai tes vignobles ! », ceux qui portent du fruit. « Je ferai de la vallée d’Akor – qui était une vallée sèche – une porte d’espérance. Et là, dit le texte, elle répondra comme au temps de sa jeunesse… »
Mais oui, c’est de toi dont parle ce texte. Marta, bien sûr.
« Et il adviendra en ce jour-là, dit encore le texte, que tu m’appelleras mon mari et non plus mon maître. »
Voici ton mari. Celui que tu appelles ton mari, celui qui t’a dit peut-être un jour la suite de ce texte : « Je te fiancerai à moi pour toujours. Je te fiancerai à moi par la justice et le droit », oui, mais d’abord « par l’amour et la tendresse ». « Je te fiancerai à moi par la fidélité »…
Et le texte se terminait en disant : « et tu connaîtras le Seigneur. »
Ce n’est donc pas le Seigneur qui parlait, mais bien peut-être Pierre qui parlait, dans ce texte…
« C’est la même chose ? » Je vous le dis parce que vous ne l’avez pas entendu !
C’est parce que je te fiancerai dans l’amour et la tendresse et la fidélité qu’alors tu sauras qui est Dieu. Parce que Dieu est tendresse, amour, fidélité.
C’est la dernière chose qu’il me faut dire puisque c’est un texte de l’Ancien Testament.
Parfois, quand on parle de l’Ancien Testament, on se dit : « Oh là, quelle horreur, ce Dieu juge épouvantable, moi je ne lis pas l’Ancien Testament, ça ne m’intéresse pas. Autant passer tout de suite au Nouveau, c’est tellement plus beau, le chemin d’Emmaüs… »
Pourtant dans l’Ancien Testament, Dieu est amour, tendresse, fidélité… il suffit de lire, tout est marqué là.
Alors ce chemin du désert, il amène à une auberge, celle d’Emmaüs. Mais ça, c’est Pierre-Alain qui va le dire mieux que moi…
Pierre-Alain Mischler :
Au désert… accompagné ?
Il peut sembler qu’on soit seul, mais pourtant on ne l’est pas.
Et moi, ce qui m’a frappé dans cet Evangile des pèlerins d’Emmaüs, c’est que… il y a différents moments dans la vie où on se situe à un carrefour. Le carrefour d’oser faire le pas suivant. Mais est ce qu’on va oser le faire ? Est ce qu’on va oser se laisser rencontrer ?
Et puis finalement, ces questions très profondes qu’on se pose parfois : « Que sait-on de l’avenir ? Aujourd’hui, je sais ce qu’il y a, mais qu’est-ce qu’il y a plus tard ? Comment affronter aujourd’hui, demain ?
Et là je pense aux disciples… « Comment allons-nous trouver les forces pour avancer ? »
Si on revient dans le texte de l’Évangile, on l’oublie parfois, mais les pèlerins d’Emmaüs sont chamboulés. Ce sont des disciples de Jésus. Ils viennent de vivre l’arrestation, le jugement, la crucifixion, la mort de Jésus. Puis, on vient de leur dire, c’est tout récent, qu’il semble que Jésus soit ressuscité.
C’est tout ça leur vécu, quand ils cheminent sur le chemin d’Emmaüs.
C’est leur vie du moment. Ils ont été bousculés, chamboulés intérieurement.
Et puis, que penser de tout ça quand on vit des moments denses ? C’est une question qui nous traverse l’esprit, parfois. Que dire de ce qu’il arrive ? Quel sens donner à tout ça ?
Parmi les quelques apparitions de Jésus-Ressuscité, dans l’Évangile, ce récit est très profond, très touchant.
Et puis m’est venue à l’esprit cette phrase de Jean Cocteau, je trouvais qu’elle allait bien pour les disciples : « On ferme les yeux des morts avec douceur, c’est aussi avec douceur qu’il faut ouvrir les yeux des vivants. »
Mais j’ai l’impression que ça n’est pas valable qu’avec la mort, c’est une réalité de la vie, on ouvre souvent les yeux avec douceur, il faut du temps dans l’existence.
Et puis vous me direz : « Mais pourquoi un tel récit aujourd’hui ? »
C’est vrai que ce récit, il est très connu dans les milieux chrétiens, mais il nous a été proposé par Marta et Pierre, comme tous les textes bibliques d’ailleurs, qu’on a échangé.
On a échangé et fait des propositions également.
Et puis vous avez dit trois mots. Trois mots pour placer la célébration. Puis il y en a d’autres qui se sont ajoutés encore aujourd’hui… Trois mots : témoigner, partage, chemin.
On pourrait dire encore : ouvrir les bras, accueillir. C’est des mots que j’ai entendu dans ta bouche ce matin, Marta, et Pierre aussi.
Eh oui, parce que les disciples de Jésus sont en marche, en chemin, là où ils en sont. Ce qui me bouleverse personnellement, c’est ce Jésus qui ne fait pas de forcing, même quand on ne le reconnaît pas. Il fait juste une chose : il accompagne, il est avec, il écoute, il écoute, il essaie de comprendre ce qui anime ceux qui sont chers à son cœur.
Et dans ce récit, il y a une multitude de mouvements, comme dans la vie. On est rarement assis longtemps. Et dans ces mouvements, il y en a un qui me semble essentiel, c’est celui de se laisser inviter. De recevoir.
Vous remarquez que Jésus, à un moment donné, se laisse inviter par ses propres amis.
Et puis, pour se laisser inviter, il faut dégager un espace. Pas se dire : « Oh, j’ai quelque chose à faire plus tard, il me reste encore ci et ça à organiser… » Parce que la grâce a besoin d’espace.
Parce que Jésus et ses amis vont se retrouver dans cet espace-là, dégagé pour eux. Et comme dans le récit précédent, je trouve que Jésus fait preuve de beaucoup de tendresse avec ses amis, une tendresse infinie.
Mais Jésus sait très bien qu’ils vont avoir à cheminer, eux aussi, et pas seulement physiquement, aussi intérieurement, dans les mois, les années qui vont suivre.
Marta et Pierre, vous rencontrer, c’est se laisser surprendre avec profondeur et avec joie. Cheminer avec vous, c’est laisser la lumière de la grâce faire son chemin en nous, avec vous.
Et je trouve que ce texte biblique est extrêmement évocateur dans cet aspect-là.
Alors Marta et Pierre, aujourd’hui, vous partagez votre bonheur sous le regard bénissant de Dieu. Mais vous le partagez avec vos familles, lui qui prend soin de chacune et de chacun.
Alors vous ne serez pas surpris, j’ai envie de terminer cette méditation par une phrase de Bernard de Clairvaux, qui, je trouve, s’éclaire sous un jour bouleversant à la lecture de ces textes bibliques : « Consentir, c’est être sauvé ! »
Amen.
- Amen.
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Begnins, samedi 11 octobre 2025, 11.00
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