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Homélie pour le 9e dimanche TO, année B
Deutéronome 5,12-15 / Psaume 80 / 2e aux Corinthiens 4,6-11 / Marc 2,23 – 3,6
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Chers amis, dans les textes de ce soir, vous avez entendu un mot hébreu pas moins de sept fois. On l’a prononcé, de fait, différemment, Marie, Jeanne et moi, mais vous l’avez tout de même entendu sept fois : « Shabbat » ou « sabbat » en français.
« Shabbat », qui en hébreu veut dire quelque chose qui vient du verbe s’asseoir : « cessation, abstention du travail ». On pourrait traduire ainsi, mais on le traduit plus volontiers par « repos ».
« Shabbat ».
C’est le thème des textes de ce soir. C’est même le thème normalement de chaque dimanche.
Or, selon la tradition juive qui fait commencer le shabbat la veille au soir, eh bien pour nous aussi le dimanche commence la veille au soir. C’est pour ça que nous célébrons la messe, comme ce soir, aussi le samedi soir.
Bien évidemment, tout le monde ne se repose pas le dimanche ! Si on se casse une jambe le dimanche, on est quand même bien content de trouver du monde à l’hôpital pour nous soigner !
Heureusement qu’il y a des gens qui ne travaillent pas le dimanche. Ils se reposent un autre jour, comme nous les prêtres par exemple.
Mais le dimanche, dans notre civilisation chrétienne, pour la majorité des gens, c’est le jour du repos.
Quand je dis « dans notre civilisation chrétienne », c’est vrai qu’aujourd’hui, il faut le dire vite, hein… Je me demande d’ailleurs toujours si celles et ceux qui ne veulent plus rien avoir à faire avec la religion, seraient d’accord aussi qu’on leur supprime leurs jours de repos puisque c’est la religion qui nous les offre ?
Ne souriez pas trop vite !
Les régimes totalitaires ont fait disparaître les jours de repos.
On le voit dans l’histoire depuis le calendrier révolutionnaire en France, qui n’avait plus que trois séries de dix jours dans le mois et donc trois jours de repos au passage, hein, on en a paumé deux pendant la Révolution française, jusqu’aux cadences infernales d’autres régimes totalitaires comme la Chine ou l’Union Soviétique qui supprimaient les jours de repos…
Et le totalitarisme existe aussi plus près de nous, dans l’économie à outrance, les pauvres employés de certains grands groupes mondiaux d’aujourd’hui ont des chaises percées histoire de gagner du temps et de ne pas faire de pause. Je n’invente rien !
Même la terre, pourtant, a besoin de repos.
Nous le savons bien : la mise en jachère d’une terre, du moins le faisait-on jadis, lui offrait une année de repos.
Et que se passait il ensuite ? Eh bien, après une année de repos, la terre produisait d’autant plus et d’autant mieux parce qu’elle s’était reposée.
Aujourd’hui, si l’on écoute les grands groupes alimentaires qui font de la culture intensive, il ne faut surtout pas laisser une terre sans culture se reposer. Ce n’est pas productif.
Mais que se passe-t-il alors ? Nous le voyons bien : ces terres-là s’appauvrissent, elles s’empoisonnent et on se demande pourquoi… Mais parce qu’elles ne se reposent pas, pardi ! C’est tout simple.
La terre a besoin elle aussi de prendre des temps de repos. Comme nous.
Le repos, Chers Amis, c’est un élément essentiel de notre vie et si Dieu l’a institué, ce n’est pas pour rien.
Même lui a estimé en avoir besoin : souvenez-vous des jours de la création, il se repose le septième jour…
Il en a même fait un commandement, il est dans la liste des Dix : « Tu honoreras le jour du Shabbat ». C’est un commandement, au même titre que « Tu ne tueras point. » Même importance, c’est dire hein !
C’est un commandement pour une raison bien précise, cela nous était dit dans notre première lecture, le livre du Deutéronome : c’est pour se souvenir du temps où le peuple n’avait pas de repos, où le peuple était esclave en Égypte.
Comme si Dieu voulait nous dire : « Souviens-toi du temps où tes ancêtres n’avaient même pas un jour pour se reposer, et en l’honneur de ta libération, n’oublie jamais de te reposer, toi ! Ne réduis pas ton propre corps en esclavage ! »
Notre corps est fragile, c’est un vase d’argile, comme le rappelait Paul dans la deuxième lecture. Il faut le laisser se reposer régulièrement.
Une amie m’a demandé récemment depuis combien de temps j’avais pris à un moment pour ne rien faire….
Juste comme ça, m’asseoir. Regarder la nature, ne penser à rien. Ne rien faire.
Eh bien ça m’a beaucoup alarmé : j’ai cherché, j’ai pas trouvé !
Les adultes travaillent de plus en plus dans notre monde en se disant « je vais y arriver, je peux encore faire un petit truc, je peux encore faire ça en plus, je vais encore arriver à caser ce truc-là dans ma journée ! »
On voit même des gens, ça m’est arrivé cette semaine, j’ai vu ça, on voit des gens qui travaillent sur deux écrans d’ordinateur en même temps. C’est très chic maintenant d’avoir deux écrans devant soi. Comme ça, on peut faire deux fois plus de choses.
Sauf que ça ne marche pas, c’est une illusion. Ça va peut-être nous faire travailler un peu plus rapidement dans un premier temps, mais très vite avec la fatigue des yeux, de l’attention, de la concentration, la personne va travailler moins bien, il y aura de la casse parce que notre corps nous rappelle régulièrement qu’il n’est pas surhumain. Et le bénéfice du double écran sera nul très rapidement.
Et je pourrais prendre d’autres exemples.
Alors, chers amis, soignons nos temps de repos.
Dieu nous les a donnés à travers le Shabbat, parce qu’il sait très bien que nous évoluons dans des vases d’argile, nos corps.
Parce que Dieu sait aussi combien nous avons besoin de jours de fête, parce que c’est ça aussi les jours de repos. Et le psaume nous le rappelait.
Dieu nous a donné le repos aussi parce qu’il tient à nous rappeler que ces jours sont là pour nous faire oublier le temps de l’esclavage, lorsque nous étions assujettis à des régimes qui nous oppressaient, des régimes qui ne sont jamais bien loin, hélas.
Le repos est au service de l’homme et non l’inverse comme le rappelait Jésus dans l’Évangile.
Alors soignons bien ces temps de repos, chérissons-les, protégeons-les des gouvernements, y compris des nôtres, qui voudraient les diminuer ou les supprimer. Et rappelons à ces personnes que de tout temps, l’homme, comme la terre, a besoin de temps de repos, puisque même Dieu s’est reposé lui aussi. Et pour joindre la pratique à la parole : prenons quelques instants maintenant pour ne rien faire, pour ne penser à rien…
…et c’est ainsi que Dieu, peut-être, dans le silence, parlera encore mieux à notre cœur.
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Champex, samedi 1er juin 2024, 17.00
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