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Homélie pour le début du Carême
Jl 2,12-18 / Psaume 50 / 2Co 5,20 – 6,2 / Matthieu 6,1-6.16-18
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Comme à mon habitude, je commence par une question : quel est le « plus » de votre Carême ? Vous y avez pensé ?
Oui, parce que vous avez – j’imagine – déjà réfléchi peut-être à une privation de Carême, à un « moins », mais ce « moins » – vous le savez – n’aura de sens que s’il donne naissance à un « plus » !
Si vous jeûnez de chocolat simplement parce c’est bon, parce que c’est très bon, parce que c’est beaucoup trop bon… désolé de vous le dire, mais vous n’avez pas tout compris au sens du jeûne du Carême… il est encore temps de prendre une autre résolution que celle-ci.
Jeûner pour l’exploit sportif du jeûne, ou se priver de quelque chose qu’on aime par dolorisme – comme si on s’infligeait des souffrances pendant 40 jours au nom d’un Dieu sadique qui aimerait ça… – c’est totalement insensé, Chers Amis ! Ça n’a rien à voir ni avec notre Foi ni avec notre pratique. Ce n’est pas ça, le Carême, autant le dire tout de suite !
Se priver de quelque chose, en Carême, cela n’a de sens que si cette chose nous éloignait de Dieu. Le chocolat vous éloigne-t-il de Dieu ? Pas sûr ! D’autant que le chocolat, c’est bon… et Dieu est bon… vous m’expliquerez comment quelque chose de bon peut nous éloigner de la bonté-même, hein !
Se priver d’une chose n’aura de sens, donc, que si cela donne naissance à un « plus ». Pas par simple exploit sportif.
Un repas jeûné, comme plusieurs d’entre nous l’avons fait en ce mercredi des Cendres, un repas jeûné économise quelques sous, par exemple. Mettons ces sous de côté pour partager ensuite avec qui en a besoin.
Voilà un moins pour un plus !
Un repas jeûné donne du temps, que faisons-nous de ce temps ? Pouvons-nous l’offrir à quelqu’un qui en a besoin, en l’écoutant, en faisant une visite ?
Voilà un « moins » pour un « plus »…
Alors posons-nous vraiment la question, chers Amis, en ce début de Carême, alors que nous avons 46 jours – puisqu’il y a les dimanches aussi – 46 jours devant nous : qu’est-ce qui m’éloigne vraiment de Dieu ? …et lorsque j’aurai la réponse à cette question, je pourrai jeûner de cela ! Et je pourrai faire en sorte que ce jeûne débouche sur un « plus » dans le même domaine.
Puisque vous le savez bien, chaque effort de Carême se fait dans trois directions : un plus envers Dieu, par la prière, un plus envers les autres, par le partage, un plus envers nous-mêmes, par le jeûne pour prendre soin de nous.
Ce sont les trois directions classiques du Carême. Et si le Carême a ces trois directions c’est bien pour que non seulement nous réfléchissions à un « moins » et un « plus »… mais pourquoi pas à trois « moins » et trois « plus »… Ah ça donne du travail, hein !
Regardez d’ailleurs comme la liturgie est bien faite : elle nous suggérait précisément au travers des trois textes que nous avons entendus, ces trois directions : la prière, le jeûne et le partage.
Et l’Evangile que nous venons de ré-entendre nous explique très bien comment vivre ces trois directions de Carême.
Jésus nous le disait pour le partage : « Quand tu fais l’aumône ne le fais pas claironner devant toi… agis discrètement. »
Il ne s’agit donc pas de claironner que chaque année nous faisons un don à deux ou trois zéros aux restos du cœur, à Caritas ou à l’action de Carême ou à telle ou telle autre organisation. C’est très bien si vous le faites. Mais peut-être que nous sommes invités à être discrets dans notre manière de partager, de donner… Dieu préfère toujours l’attitude humble, discrète.
Sur le jeûne aussi, Dieu nous conseillait la discrétion, par Jésus : « Quand vous jeûnez, disait-il, ne prenez pas un air sombre, comme font les hypocrites […] »
Ah vous avez des gens qui jeûnent toute l’année ! Qu’il fasse beau, qu’il pleuve, ils tirent une tête de trois mètres de long toute l’année !
Ce qui fait dire à notre pape François que ces personnes ont des faces de piment au vinaigre – c’est une expression de son pays. On voit bien ce que cela signifie ! Une face de piment au vinaigre… ce n’est pas très agréable.
Ne nous composons pas une face de Carême, comme on disait aussi jadis, Chers Amis ! Au contraire, que notre visage soit rayonnant, joyeux de cette période que Dieu nous offre pour revenir à lui !
Même si bien sûr, l’actualité fait que c’est parfois difficile d’afficher un sourire. Mais il me semble que nous, les Chrétiens, nous devons précisément insuffler cela dans un monde qui souffre. Pas le sourire « bisounours » qui prétendrait que tout va bien, non, mais le sourire de l’espérance, cette espérance qu’on ne peut pas nous voler, nous dérober !
Espérons dans le monde plutôt que de désespérer du monde !
Quant à la prière, dans l’Evangile Jésus nous rappelait de ne pas rabâcher nos prières… Rabâcher, c’est prier automatiquement sans penser à ce qu’on dit…
Eh bien ça nous arrive… enfin vous peut-être pas, mais moi ça m’arrive ! Et ce que nous suggère Jésus : « Pense à chacun des mots que tu dis, dans ta prière ! », c’est ça, prier !
Si nous récitons le « Notre Père » comme une petite poésie, c’est pas de la prière, ça ! Mais si nous pensons à ce que nous disons, pleinement, eh bien d’abord cela engage, hein : « Pardonne-nous comme nous pardonnons… » et puis, ensuite, ça va donner de la puissance, de la force à notre prière !
Voilà ce que Jésus nous demande de faire, je crois.
Vous voyez, le défi du Carême est assez vaste ! Déjà dans ces trois directions, par ces trois débuts de chemins que je vous ai suggérés. Le Carême, c’est changer nos cœurs, changer nos petites habitudes, changer les « on a toujours fait comme ça »…
Et quand le psaume dit « Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau ! » je crois que c’est cela dont il s’agit. « Donne-nous une nouvelle manière d’envisager notre chemin de Carême ! »
Nous devons changer aussi notre manière d’être chrétiens à l’extérieur de ces murs, une fois passée la porte de l’église.
Parce que nous sommes – c’est Paul qui nous le disait dans la deuxième lecture – des ambassadeurs du Christ, ce n’est pas rien ! L’ambassade, elle est ici, dans notre cœur. Et nous avons à porter son message à l’extérieur. Voilà notre devoir de Chrétien, notre devoir de Carême.
Je termine, concernant le jeûne, en vous rappelant qu’il y a beaucoup de choses dont nous pouvons jeûner en vérité, et qui ne sont pas forcément des nourritures terrestres.
Je vous relis ce petit texte que j’aime beaucoup, que je vous ferai distribuer tout à l’heure, qu’on trouve ici et là sur internet et qui est adapté d’une prière d’Ama May :
…
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne de paroles blessantes : que tes lèvres prononcent davantage de paroles de bénédiction.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne de critiques et de médisances : davantage de bienveillance et de miséricorde doivent habiter ton âme.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne de mécontentement : que ton cœur cultive la gratitude.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne de rancune : que le pardon ouvre toutes les portes qui t’ont été fermées.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne d’égoïsme : que davantage de compassion, de charité fleurissent à chacun de tes pas.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne de pessimisme : que l’espérance ne quitte plus ton esprit.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne de préoccupations et d’inquiétudes inutiles : que règne en toi davantage de confiance en Dieu.
Tu veux jeûner ?
Alors jeûne d’occupations superficielles : que les temps de prière emplissent tes journées plutôt que d’autres choses moins essentielles.
Tu veux vraiment jeûner ?
Alors jeûne de paroles futiles : que davantage de silence et d’écoute t’aident à entendre en toi le souffle de l’Esprit.
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Bex, mercredi 14 février 2024, 19.00
Cognard
Merci pour cette Homélie, cher Père…
et merci pour cette belle prière d’Ama May que je vais partager sur ma page Facebook.