Le Père Laficelle

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Chers Amis,

Dans l’une des paroisses dont j’ai été le curé, jadis, j’ai fait une belle bêtise.

L’une des églises que je servais avait plus d’une centaine de places réparties en une quinzaine de rangées de bancs.

Mais à chaque messe dominicale, la trentaine de personnes présentes occupait les cinq ou six dernières rangées, tout au fond.

C’est assez fréquent, dans bon nombre d’églises, que les bancs du fond soient plus employés que les sièges de devant, mais là c’était caricatural.

J’avais à peu près tout essayé : leur demander gentiment d’avancer, comme le suggère Jésus dans l’Evangile. Pas un ne bougeait. Leur rappeler que les places de devant sont au même prix que celles de derrière : aucune réaction – ils étaient aussi assez imperméables à mon humour déplorable.

Le plus comique : quand une fête survenait et que le nombre de personnes doublait… les bancs de devant restaient quand même vides, ceux de derrière étaient pleins à craquer et les derniers arrivés restaient debout tout au fond plutôt que de s’asseoir sur la série de rangées de bancs vides, devant.

Alors un jour, n’y tenant plus, j’ai mis de petits panneaux sur les bancs du fond avec marqué : « Merci d’avancer », et j’ai condamné l’accès aux cinq rangées du fond avec une ficelle.

Ce fut un incident diplomatique redoutable ! Insultes sur les réseaux sociaux, lettre anonyme glissée dans ma boîte aux lettres à la cure, réunion en catastrophe des anciens de la paroisse se demandant s’ils avaient le droit d’enlever ces ficelles ou non.

Comprenant le malaise, je les ai enlevées quelques jours après. Mais le mal était fait. On m’a surnommé très vite le « père Laficelle », et dans l’esprit de plusieurs paroissiens je suis resté – même des années plus tard – celui qui avait osé les empêcher d’aller à LEUR place, celle qu’ils occupaient depuis toute éternité.

J’ai mis longtemps à comprendre où était le problème.

Parce que dans de nombreuses autres paroisses, je l’ai dit, il en va de même et cela n’offusque pas pour autant mes confrères.

Le problème n’était donc pas dans l’attitude de mes paroissiens. Le problème – le vrai problème – était en moi.

Manque total d’humilité. Vous me direz : pour un ancien comédien, c’était à prévoir !

Personnellement, j’aime bien voir les gens, les ressentir proches lorsqu’on chante, lorsqu’on prie ensemble. Mais ça, c’est moi, c’est ma façon de voir les choses ! De quel droit l’imposer aux autres ?

Si les paroissiens se sentent mieux à l’arrière, qu’est-ce que cela peut bien me faire ? En quoi cela devrait-il me blesser ? Chacun a le droit de s’asseoir où bon lui semble – et vous l’avez fait ce matin.

D’autant plus que le système de sonorisation de cette église avait été tellement mal conçu qu’on entendait parfaitement bien dans les bancs du fond et très mal dans les premiers bancs. Voilà aussi la raison pour laquelle les personnes s’asseyaient au fond !

Mais moi, du haut de mon orgueil imbécile, j’ai cru que ces personnes ne m’aimaient pas, ne voulaient pas s’approcher de moi… et j’ai cru bon, avec une ficelle, de les obliger à le faire comme je le voulais.

Total manque d’humilité.

Cela me rappelle un petit gag que l’on se passe entre prêtres mais qui dit beaucoup de ce piège de l’orgueil et de la nécessaire recherche d’humilité dont nous devons toujours faire notre quotidien, vous comme moi.

C’est l’histoire d’un curé, nouvellement nommé dans une paroisse qui était auparavant en grande difficulté. Après quelques mois, l’évêque vient visiter le curé et décide de le flatter un peu :

  • Mon Fils, dit l’Evêque, quel magnifique travail l’Esprit Saint fait dans cette paroisse, par votre intermédiaire !
  • Monseigneur, répond le prêtre, je suis bien content de vous l’entendre dire. Vous auriez dû voir l’état de la paroisse quand l’Esprit Saint s’en occupait tout seul !

Vous sentez bien, chers Amis, que les textes que nous avons entendus ce dimanche matin évoquent tous l’HUMILITE.

  • « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser, accomplis toutes choses dans l’humilité » disait le sage Ben Sira dans notre première lecture.
  • Dieu défend les orphelins, les pauvres, les isolés, les captifs, nous rappelait le psaume.
  • Nous ne cherchons plus Dieu dans la colonne de feu, dans l’ouragan, dans le tonnerre mais bien dans la justice envers les plus petits, comme le rappelait notre deuxième lecture.
  • Enfin l’Evangile nous suggérait précisément de nous asseoir à la dernière place, par humilité.

Cette même humilité qui me manquait, avec mes bouts de ficelle.

Alors les gens qui me connaissent me disent aujourd’hui que mon ego surdimensionné de jadis a un peu dégonflé. J’en rends grâce à Dieu, bien sûr, mais je reste lucide : en matière de dégonflage d’égo, me concernant, on ne peut clairement pas encore parler d’anorexie ! J’ai encore un petit peu de chemin à faire, je le crains fort.

Cela dit, ce même Evangile qui nous suggère de nous asseoir à la dernière place nous invite aussi à nous avancer lorsque le maître du repas nous le demande, avec humilité.

Alors Chers Amis, si l’un de vos prêtres, un jour, vous suggère d’avancer parce que les bancs de devant sont vides, pensez que ce n’est pas forcément contre vous ni par orgueil, mais que c’est peut-être tout simplement pour que ceux qui arriveront en retard – et qui, eux, n’oseront pas avancer ! – ne restent pas debout au fond parce que toutes les places sont déjà occupées par les « habitués », comme on dit.

Mais si vous êtes bien au fond, surtout : grand bien vous fasse !

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Carmel de Bayonne, dimanche 31 août 2025, 8.30

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