Image libre de droits : pixabay
Homélie pour le 34e dimanche TO, année B
Daniel 7,13-24 / Psaume 92 / Apocalypse 1,5-8 / Jean 18, 33b-37
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
J’aimerais vous poser une petite question pour commencer : est-ce qu’un paysan peut-être plus puissant qu’un roi ?
Je vois celles et ceux qui ont envie de répondre « oui » parce que, si l’on est paysan, ça ferait plutôt plaisir. Et puis, même si l’on n’est pas paysan, parce qu’on aime bien que le plus petit gagne contre le plus puissant. On y voit une certaine logique biblique, David, le plus petit, qui devient roi par exemple.
Je vois aussi ceux qui répondent « non », la simple logique, la raison voudraient que l’on réponde non, évidemment ! Le roi, même si nous n’en avons pas en Suisse, le roi a plus de pouvoir que le paysan, a priori. On est d’accord.
Mais puisque nous fêtons un roi, notre roi, en ce dernier week-end de l’année liturgique, en cette fête du Christ-Roi, posons-nous la question au sujet de notre roi : qui est-il vraiment ? Est-il plus grand que les rois de la terre ? Oui, la deuxième lecture nous le disait.
Et d’ailleurs, qu’y a-t-il de plus grand qu’un roi ?
Alors les joueurs de cartes parmi vous répondront immédiatement : « l’As. » Eh oui, l’As est plus fort que le Roi, en tout cas aux cartes.
Mais si vous jouez au Jass et qu’on joue « atout », alors il y a encore bien plus grand que l’As puisque, au-dessus, se trouvent le Nel et le Bour, le 9 et le Valet. C’est d’ailleurs le seul cas que je connaisse où le valet peut gagner sur le roi !
Si je vous dis cela, ce n’est pas par hasard, Chers Amis, parce que quand on utilise les termes du Jass, c’est tout à fait fascinant. « Bour », vous savez d’où ça vient ? C’est un mot du dialecte suisse-alémanique, bien sûr, « Bour », mais ça vient de « Bauer » en allemand, « le paysan ». Eh oui, le Bour de notre jeu de Jass, c’est le paysan.
Et lorsqu’on joue « atout », le Bour gagne contre tous les autres. Le paysan peut gagner contre tous les autres.
Alors je pourrais transposer cela en termes républicains pour nos grands voisins les Français : est-ce que le gilet jaune a quelque chance de gagner contre le président de la République ?
Si vous regardez vos jeux de cartes, Chers Amis, vous verrez que tous les valets de tous vos jeux de cartes ont toujours un gilet jaune. Eh oui…
C’est le signe du service, le jaune. D’ailleurs, dans les bandes dessinées de notre enfance, souvenons-nous de Nestor, le valet du capitaine Haddock, au château de Moulinsart de Tintin. Il a un gilet jaune, lui aussi.
Alors il y a probablement bien plus qu’une simple symbolique là derrière. Parce que les rois de notre terre, les présidents, les politiques qui ont du pouvoir jouent « sans atout ». Tout est plié d’avance si on a les bonnes cartes, si on a l’argent.
Leur pouvoir terrestre, on le connaît bien : il est symbolisé par toute une série de choses, des couronnes, des sceptres, un palais.
Même pour notre Conseil fédéral : il siège dans un palais. Même pour le président Macron, il siège au palais de l’Élysée.
Les dirigeants de ce monde ont des serviteurs -en politique, on les appelle des ministres. Ils ont souvent suffisamment d’argent, une armée, des soldats, de magnifiques limousines, qui sont les carrosses d’aujourd’hui… mais ils jouent « sans atout ». Ils savent bien qu’ils ne sont pas les maîtres. Qu’au-dessus d’eux, il y a les « As ».
Et les « As », ce sont les grands groupes mondiaux. Les groupements militaires, l’as de pique qu’est l’OTAN par exemple ; les groupements politiques, l’as de trèfle qu’est l’ONU par exemple ; les groupements financiers, l’as de carreau qu’est le Fonds Monétaire International, par exemple ; les groupements sociaux, l’as de cœur qu’est la Croix Rouge par exemple…
Les rois et les présidents, tout rois et tout présidents qu’ils sont, obéissent à ces groupements, ces As, qui ne sont pas eux-mêmes toujours dirigés par des as, je vous le concède.
Mais tout cela est très pauvre quand on joue « sans atout ». Tout est joué d’avance, si vous avez les bonnes cartes !
C’est beaucoup plus intéressant quand l’atout vient mettre son grain de sel dans le jeu !
Et l’atout, dans notre vie, c’est quoi ? Mais c’est la foi, Chers Amis ! C’est la foi qui change tout, qui renverse les valeurs habituelles. C’est la foi qui met du sel dans notre vie, exactement comme l’atout met du sel dans notre tour de cartes. Non, ce n’est pas le plus puissant en apparence qui va gagner lorsqu’on a la foi, c’est l’autre, précisément ! Celui qu’on n’attendait pas, le paysan, le Bour, le simple charpentier qu’était Jésus.
Ceux qui ont vraiment la foi, ceux qui en usent pour mettre de la beauté dans le monde, pour mettre les gens en communion les uns avec les autres, pour faire le bien autour d’eux, pour répandre l’amour, ceux-là jouent « atout ». Et ça change tout !
Parce qu’alors même les As de notre monde se plient face au plus petit de la famille, le Bour. Et le Bour, dans notre foi, Chers Amis, vous l’avez compris : c’est le Christ, c’est le Christ-Roi.
Ce roi que nous fêtons aujourd’hui n’est pas le même roi que les autres. C’est un roi bien particulier, celui qui gagne sur tous les autres, c’est le Bour.
Et dans tous les textes de ce matin, on nous parlait de royauté, mais d’une royauté étrange qui n’est pas celle des puissants de ce monde. Même si le psaume disait : « le Seigneur est roi », sa royauté n’a rien à voir avec la royauté du monde.
Dans notre première lecture, le livre de Daniel, on nous disait : « sa royauté ne passera jamais ! » Voilà une sacrée différence avec la royauté du monde…
Et puis il y en a d’autres, des différences : le palais de notre roi, c’est une étable. Le carrosse de notre roi, c’est un petit âne. La monnaie de notre roi s’appelle l’amour… l’autre, il s’agit de la rendre à César. Les serviteurs de notre roi, il en a, mais c’est lui qui leur lave les pieds.
Le banquet de notre roi est fait d’un peu de pain et de vin, c’est tout. Le sceptre de notre roi est un rameau d’olivier. La couronne de notre roi est une couronne d’épines et son trône est une croix.
« Ma royauté n’est pas de ce monde », disait Jésus à Pilate, dans l’Évangile que nous venons de réentendre. Effectivement ! Elle renverse toutes les valeurs, cette royauté ! Elle supplante toutes les autres !
« Jésus Christ est le prince des rois de la terre », disait l’Apocalypse. Le prince des rois, le Bour, le simple charpentier qui gagne sur Pilate, sur Hérode et sur tous les autres.
Vous voyez, Chers Amis, que même par un simple jeu de cartes, on peut en apprendre au sujet de notre foi. Alors je gage que vous ne jouerez plus jamais au Jass sans penser à notre roi, à nous… et sans regarder le gilet jaune du Bour d’une autre manière que jusqu’ici !
___________________________________________
Champex-Lac, samedi 23 novembre 2024, 17.00
Aigle, dimanche 24 novembre 2024, 10.00 (version enregistrée)

Fabris
Merci Vincent pour ces homélies toujours enrichissantes je te souhaite de belles fêtes Josiane fabris
Vincent Lafargue
Merci chère Josiane !
Bonne fêtes à toi aussi !
Vincent