Laboratoire d’Amour

Classé dans : Homélies, Méditer | 2
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Photo libre de droits : pixabay

Homélie pour le 3e dimanche de Pâques, C

Actes 5,27b-32.40b-41 / Psaume 29 / Apocalypse 5,11-14 / Jean 21,1-19

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Comment aimez-vous, dans votre vie ? La question peut vous paraître étrange. Intime même. Je la repose : comment aimez-vous ? Quelle est votre manière d’aimer ?

C’est un sujet important parce que LA question qui semble compter une fois que nous rejoignons le ciel, c’est précisément « comment avons-nous aimé ? »…

Vous avez certainement déjà entendu parler de ces témoignages de personnes qui ont approché la mort avant d’en revenir, soit qu’elles aient eu un arrêt cardiaque et que leur cœur soit reparti, soit par un coma prolongé, ces expériences de mort imminente, comme on les appelle…

Toutes ces personnes parlent d’une lumière blanche, de tunnel, de sortie de leur corps, on connaît ces témoignages.

Quelques-unes de ces personnes sont allées au bout de ce tunnel de lumière… et elles racontent autre chose.

Elles disent avoir rencontré soit quelqu’un, soit une entité, soit avoir en tout cas perçu une voix qui demandait : « Comment as-tu aimé ? ».

Et c’est étrange car les témoignages concordent de façon surprenante : que ces personnes soient bouddhistes, musulmanes, athées, chrétiennes. Qu’elles viennent d’Alaska, d’Australie, de Suisse, d’Inde ou d’ailleurs encore… toutes disent la même chose : « On m’a demandé comment j’avais aimé. » Comme si c’était LA question principale de notre passage sur cette terre.

Or c’est aussi la question de l’amour qui anime Jésus, au bord du lac, vis-à-vis de Simon-Pierre, dans l’épisode que nous venons de réentendre et que nous connaissons bien. « M’aimes-tu ? » demande Jésus à Pierre, trois fois…

Et Pierre répond, trois fois, qu’il aime Jésus… on connaît bien cet épisode.

Mais à force de bien le connaître, on en oublie le formidable jeu de mots qui se trouve dans cette page d’Evangile que nous venons de réentendre.

Et pour bien comprendre ce jeu de mots, il faudrait lire cet Evangile dans sa langue grecque d’origine – je ne vais pas vous l’imposer.

La nouvelle traduction que nous avons depuis quelques années, que vous avez réentendue ce matin, permet déjà de bien comprendre ce qui se joue dans ces trois questions et dans les trois réponses de Simon-Pierre.

Quand Jésus demande à Pierre : « Simon, m’aimes-tu ? », la question, en fait, s’apparente davantage à « Comment est-ce que tu m’aimes ? ».

Parce qu’en grec, comme d’ailleurs dans la plupart des langues, il y a deux verbes pour dire « aimer ».

Alors qu’en français, très étonnamment, on utilise exactement le même verbe pour dire qu’on aime le chocolat ou qu’on aime son épouse… Excusez-moi mais ce n’est pas tout à fait la même idée ! Il y en a qui aiment beaucoup le chocolat… mais enfin ce n’est pas tout à fait le même amour, n’est-ce pas… !

Dans la plupart des autres langues, il y a au moins deux verbes différents :

  • selon que l’on aime totalement, de charité, l’amour qui va jusqu’à donner sa vie pour l’autre, c’est l’amour des époux, c’est l’amour des parents pour leurs enfants…
  • …ou selon que l’on aime, oui, mais enfin… un peu, comme on aime le chocolat, comme on aime tel ou tel style de musique, etc, etc…

Et dans l’épisode que nous venons de réentendre, c’est très intéressant de voir quels sont les verbes utilisés, et à quel moment, et par qui…

Le Christ attend de Pierre qu’il l’aime totalement, bien sûr. Et il commence par utiliser le verbe fort : « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes vraiment ? » C’est le verbe le plus puissant.

Et au passage, il dit « Simon, fils de Jean », il ne dit pas « Pierre ». Il le replace dans son identité familiale, il revient en arrière alors qu’il l’avait surnommé Pierre.

Il rembobine le fil de l’histoire, comme s’il disait à Simon-Pierre : « Un jour je t’ai appelé Pierre parce que sur cette Pierre je voulais bâtir mon Eglise. Mais depuis tu m’as renié trois fois. Permets que j’aie quelques hésitations… Permets que je t’appelle Simon, à nouveau. Pour voir comment tu vas répondre à mes questions… A mes trois questions, comme par hasard, toi qui m’as renié trois fois… »

Il y a d’ailleurs un autre élément qui montre cela : le feu de braises. La seule et unique autre fois qu’on a ce mot dans le Nouveau Testament, c’est quelques chapitres auparavant : c’est le feu de braises autour duquel se trouvent Pierre et la servante du Grand-Prêtre, dans la cour, au moment-même où Pierre va renier le Christ.

Les deux seules fois qu’on a un feu de braises, ce sont ces deux moments-là.

« M’aimes-tu vraiment ? » demande Jésus à Pierre une première fois. Et Pierre répond avec l’autre verbe, avec le verbe faible : « Seigneur, tu sais bien que je ne t’aime qu’un peu, je ne suis pas capable de t’aimer totalement, de donner ma vie pour toi, pas encore… »

Alors le Christ repose la question, à nouveau avec le verbe fort : « Pierre, est-ce que tu m’aimes vraiment ? », il aurait pu ajouter « de tout ton cœur ! » Et Pierre répond à nouveau avec le verbe faible : « Seigneur, tu sais que je t’aime un peu. Comme je le peux. »

Là où ça devient fascinant, c’est qu’à la troisième question, que va faire Jésus ? Il va utiliser le verbe faible, il va s’abaisser au niveau de Pierre : « Pierre, est-ce que tu m’aimes au moins un peu ? »

Et c’est pour ça que Pierre est triste ! On ne le comprend pas tout de suite, quand on écoute ce texte. Il est triste parce que, la troisième fois, Jésus utilise le verbe le plus faible.

Et Simon-Pierre répond : « Seigneur, tu sais tout, manifestement… tu sais bien que je ne peux t’aimer que comme ça… qu’un peu. »

La réponse de Pierre est la nôtre, Chers Amis. Nous sommes incapables d’aimer Dieu comme il le voudrait vraiment. Pas encore. Là-haut nous le pourrons.

Et alors, que fait Jésus ? Il rétablit Pierre dans son rôle : « Sois le berger de mes brebis, tu es vraiment Pierre, celui sur qui je veux établir mon Eglise… »

Et c’est intéressant ! Parce que celui sur qui Jésus établit son Eglise, ce n’est pas quelqu’un qui est capable de dire : « Seigneur, je t’aime totalement ! », c’est quelqu’un qui est faible. Et ça, ça dit quelque chose de notre amour à nous, de nos faiblesses, de notre manière d’aimer Jésus.

Vous voyez, Chers Amis, Jésus est capable de nous faire revenir autour des feux de braises de nos démons intérieurs, de nos reniements, pour les changer en feux de joie et de miséricorde.

Il attend de nous un amour total, bien sûr, comme il l’attendait de Pierre. Mais il sait bien que nous en sommes incapables, pour le moment. Parce que nous sommes humains.

Il sait que l’amour est un chemin, que notre vie sur terre est un laboratoire d’amour, que nous sommes ici pour apprendre à aimer.

Alors il nous demande, au final, de l’aimer au moins un peu, exactement comme Pierre.

Ce que nous découvrons ou redécouvrons de notre Dieu, Chers Amis, à travers ce texte, c’est quelque chose d’extrêmement important.

Notre Dieu est un Dieu d’Amour absolu, mais il sait bien que nous, dans notre condition humaine, nous aimons comme nous le pouvons. Que nous apprenons à aimer.

Mais il n’est pas un Dieu de règlements, d’interdits définitifs – hormis les commandements qu’il nous donne bien sûr : « Aimez-vous les uns les autres », précisément.

Le Conseil Suprême de la première lecture découvre cela, aux dépens de l’interdit qu’il entendait poser aux Apôtres.

Et le psaume le disait lui aussi à sa manière : quand nous sommes désespérés parce que nous croyons ne jamais y arriver, Dieu nous relève, il change notre deuil en joie, il nous apprend à aimer.

Et Jean, l’auteur de l’Apocalypse, notre deuxième lecture, a vu cette foule innombrable vêtue de blanc, ceux qui reviennent de la grande lumière, les morts !

Et Jean dit bien qu’alors c’est d’un plein Amour, avec gloire, honneur, louange, que nous parviendrons enfin à aimer Dieu, pleinement.

Demandons-nous alors chers Amis comment nous, nous vivons l’amour dans chacune de nos vies. Dans ce formidable laboratoire d’amour.

Tâchons d’aimer le Christ présent en chacun des visages que nous rencontrons. Tâchons d’apprendre à aimer.

Ainsi, lorsqu’un jour la voix nous demandera : « Comment as-tu aimé ? », nous pourrons répondre : « Seigneur, tu sais tout, j’ai essayé d’aimer du mieux que je le pouvais. »

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Aigle, dimanche 1er mai 2022, 10.00

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2 Responses

  1. Lude Dominique

    Magnifique! Merci! Décidément j’aurais besoin d’un 3ème verbe aimer, car j’aime vos homélies plus que le chocolat, mais autrement que Dieu!!
    Continuez! Bon dimanche!

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