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Homélie pour la VIGILE PASCALE
Gn 1, Gn 22, Ex 14, Is 54, Is 55, Ba 3, Ez 36, Rm 6, Lc 24,1-12
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Est-ce que vous vous êtes-vous déjà retrouvés dans une impasse, au volant ? …Oui je vois à quelques sourires que c’est une expérience commune, n’est-ce pas ?
Involontairement bien sûr.
Vous roulez, vous roulez et tout à coup, hop, barrières, travaux, impossible de passer. Ou un sens interdit qui n’était pas là la dernière fois que vous êtes venus – ça m’est arrivé la semaine dernière encore.
Il y a une forme d’impuissance qui nous saisit, dans ces moments-là, n’est-ce pas ?
On ne peut pas passer par-dessus la barrière avec notre véhicule. Il faut se rendre à l’évidence, on ne peut plus avancer.
Jadis, Chers Amis, la mort, c’était cela. Et pour beaucoup de gens aujourd’hui encore, hélas, c’est toujours cela. Une barrière infranchissable qui surgit, au moment où on s’y attend le moins.
On roulait tranquillement dans la vie et tout à coup, tac ! La barrière est là et on ne peut plus avancer.
Pour beaucoup de gens, pour bon nombre de nos contemporains, tout est fini au moment de la mort. Il n’y a plus de chemin possible, on ne peut pas passer par-dessus de la barrière, tout s’arrête.
Pas pour nous. Pas pour nous… Nous qui sommes croyants, nous savons bien que la mort est un simple passage.
Et vous le savez bien sûr, le mot « Pâques » vient précisément d’un mot qui signifie « passage ». « Pessah », en hébreu, qui a donné « paska » en grec et en latin signifie « passage ».
La nuit que nous sommes en train de vivre est un passage vers le jour. Et elle lève toutes les barrières, cette nuit. C’est un « passage du tombeau au tabernacle », comme disait très joliment Claudel.
Alors je vous demande maintenant d’imaginer une autre barrière. Oh, vous la connaissez bien aussi, celle-là : une barrière de sortie d’un parking payant. Ça va, vous l’avez ? Un grand parking extérieur comme celui de nos grandes institutions… celui d’un hôpital par exemple, pour ceux d’entre vous qui connaissent.
Vous pouvez vous déplacer avec votre véhicule, à l’intérieur du parking, à votre guise. Vous pouvez aller où vous voulez dans le parking. Il est d’ailleurs assez vaste, en général. Vous pouvez tourner un petit moment certains jours avant de trouver la place qu’il vous faut, d’ailleurs.
Et il nous arrive, dans nos vies, de tourner un petit moment avant de trouver notre place, notre vocation comme on dit, la place que Dieu nous a réservée. On ne la voit pas tout de suite. Des fois, elle est sous notre nez et il faut qu’on tourne trois fois de suite pour la trouver !
Et puis un jour vient le moment de sortir du parking. Et nous le savons bien : il est important de régler nos dettes avant. C’est le ticket du parking, sans quoi la barrière ne s’ouvrira pas.
On reprend le volant et on arrive à la barrière. En apparence, le passage est bloqué, la barrière est là, elle est solide, elle est fermée.
Mais nous avons le ticket de sortie. Nous l’insérons et la barrière s’ouvre… et alors nous pouvons aller dans le vaste monde aussi loin que nous le permet notre plein d’essence, bien sûr.
Imaginez une personne qui a vécu toute sa vie dans un parking, aussi grand soit-il, et à qui on donne tout à coup le ticket pour sortir ! Elle peut enfin découvrir tout le reste… immense, infini, gigantesque !
Eh bien la vie éternelle, c’est cela.
Dans notre vie sur terre nous parcourons le parking. Aussi grand soit-il, c’est limité. Nous y sommes à notre place, même si, comme je le disais, on tourne parfois pour la trouver.
Mais un jour, un jour la barrière s’ouvre et nous découvrons tout le reste, infiniment plus vaste. C’est ce que nous célébrons cette nuit, Chers Amis.
Et nous avons réentendu ces textes fondateurs qui nous expliquent les règles de ce parking.
Alors là, vous allez me dire – et vous auriez raison : « J’ai bien écouté la Genèse, le prophète Esaïe, Paul et même Ezéchiel… je n’ai pas entendu parler de parking, là-dedans ! »
Et pourtant… mon histoire de parking traversait les NEUF LECTURES que vous avez entendues ce soir !
La Genèse, d’abord, qui parlait de chaque création et de ses places, bien définies, sur la terre, comme les places du parking : celles pour les voitures électriques, celles pour les voitures normales et même les places réservées aux personnes avec un handicap.
Puis nous avions le sacrifice d’Abraham, notre deuxième lecture. C’est lorsqu’on ne trouve pas de place ! Alors on dit à notre fils qui est là, à côté : « Je te dépose ! » En espérant qu’il ne lui arrive rien.
Et puis il y avait l’Exode – avec la traversée de la Mer Rouge… ça c’est la barrière d’ENTREE dans le parking, l’entrée en Terre Promise !
Puis nous avions le livre d’Esaïe qui nous disait qu’un court instant, alors qu’on cherchait une place, on a pu se sentir abandonné du Seigneur – quand on tournait, qu’on tournait, qu’on tournait… Et puis on remarque que la meilleure place, la plus proche de l’entrée, est libre : c’est la place de l’épouse du Seigneur.
Isaïe continuait dans notre cinquième lecture : non seulement la place de l’épouse est la meilleure, mais il y a un panneau devant : elle est illimitée ! On peut y rester autant qu’on le veut ! Cette alliance est éternelle !
Seulement, horreur ! On s’aperçoit qu’on s’est trompé de place, on a pris la place réservée. Il y avait une inscription au sol, à la craie, marquée « Réservé ». Le livre d’Ezéchiel, notre sixième lecture, dénonçait cette profanation. Mais voilà qu’il se met à pleuvoir, comme le disait Ezéchiel. L’eau de la grâce tombe du ciel et efface la craie, la réservation qui avait été écrite pour cette place.
Dieu fait pleuvoir sur nous sa grâce, il efface toutes nos profanations, toutes les places sont à nouveau libres et illimitées.
Et c’est là qu’en descendant de voiture, on aperçoit le champ infini au-delà des barrières du parking, le monde de la Jérusalem céleste auquel notre septième lecture, l’Apocalypse, nous donne accès dans la vie éternelle, lorsque nous serons sortis du parking un jour, par cette fameuse barrière dont parlait l’apôtre Paul dans la huitième lecture, notre lettre aux Romains.
Car lui aussi parlait de la barrière à sa manière : « si nous sommes passés par la mort avec le Christ – avec le ticket de sortie, donc – nous croyons que nous vivrons aussi avec lui ! »
Enfin il y avait l’Evangile. L’Evangile qui nous rappelait que notre espérance est avec les vivants et non pas avec les morts. Pourquoi chercher dans le parking ce qui se trouve à l’extérieur ?
Alors chers Amis, la prochaine fois que vous vous trouverez dans un parking, que vous insérerez votre ticket pour sortir et que la barrière s’ouvrira, vous repenserez à cette nuit.
Ça vous rendra les parkings tellement, mais tellement plus sympathiques !
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Grant-Part, samedi 19 avril 2025, 20.00
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