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Homélie pour le 17e dimanche TO, année B
2e Rois 4,42-44 / Psaume 144 / Ephésiens 4,1-6 / Jean 6, 1-15
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Imaginons quelques instants que la scène que nous venons de réentendre – que nous connaissons bien : la fameuse multiplication des pains et des poissons – que cette scène se soit déroulée ces derniers jours, ici à Bex. Essayons d’imaginer le traitement qu’en auraient fait nos médias.
D’abord on aurait essayé, bien sûr, d’avoir les images de la multiplication, et les personnes présentes auraient – pour plusieurs d’entre elles – saisi leur téléphone portable au moment de la distribution des pains et des poissons, au moment où on se rendait compte que les paniers étaient apparemment inépuisables.
On aurait eu les images !
Ensuite on aurait certainement interviewé Jésus… qui comme à son habitude aurait renvoyé plus loin en disant que c’est André, finalement, qui lui a signalé le jeune garçon, là-bas, qui avait cinq pains et deux poissons. Et donc que c’est plutôt eux qu’il faudrait interviewer.
Alors bien sûr, les images tournées par les caméras de surveillance nous auraient permis de retrouver le jeune homme en question.
On l’inviterait sur tous les plateaux de télévision : ses poissons étaient-ils magiques ? Chez quel boulanger a-t-il acheté son pain ? Et on se serait précipité au rayon poissonnerie et au rayon boulangerie du supermarché dans lequel le garçon dit être allé faire ses courses ce matin-là.
Interview du poissonnier, interview du boulanger, on remonte la filière et la chaîne du froid jusqu’à retrouver le pêcheur et la barque qui auraient été à l’origine de la pêche de ces poissons.
Un truc pareil aujourd’hui, ça vous tient les chaînes d’info et les réseaux sociaux pendant trois mois, sans problème ! Surtout en été !
Les journalistes de l’époque de Jésus s’appellent Marc, Matthieu, Luc, Jean, Paul, Jacques, Pierre, et d’autres. Ils racontent le plus fidèlement possible ce qu’ils ont eux-mêmes vu, pour certains, ou ce que leur ont rapporté ceux qui étaient présents.
Lorsqu’ils donnent des détails, c’est voulu. Lorsqu’ils n’en donnent pas, c’est qu’ils n’ont pas l’information. Et c’est peut-être voulu aussi, mais par Dieu.
Il y a des choses que nous n’avons pas à savoir, parce que nous ne serions pas forcément capables de les recevoir correctement, Jésus le dit dans un autre passage de l’Evangile. Si on n’a pas tous les détails, ce n’est peut-être pas pour rien.
Or dans l’histoire de la multiplication des pains et des poissons, on donne des détails. Il y a cinq pains, il y a deux poissons, il y a cinq mille hommes. Il y a douze corbeilles qui restent. On nous précise même qu’il y a beaucoup d’herbe à cet endroit.
On a le lieu – de l’autre côté du lac de Tibériade. On a quasiment la date puisque Jean nous précise que la Pâque était toute proche.
Mais comme je viens de vous le dire, il y a aussi des choses qu’on ne sait pas. Et c’est voulu. Le mystère voulu par Dieu se situe bien souvent dans les détails qui nous échappent.
Ainsi il y a là un jeune garçon. Vous l’avez entendu. Et c’est grâce à lui que tout est possible, remarquons-le au passage. Parce que sans ce jeune homme qui a apporté son pique-nique ce matin-là, rien de ce qui suit n’est possible.
Que sait-on de ce jeune homme ?
Rien.
Nous en parle-t-on plus tard ?
Non.
Le retrouvons-nous ensuite pour l’interviewer ?
Pas davantage.
Est-ce une coïncidence ?…
On serait tenté de répondre « oui » s’il n’y avait pas la première lecture ! Car dans le livre des Rois, le récit de la première multiplication des pains dans l’Ancien Testament, par Elisée, eh bien cette première multiplication est rendue possible par qui… ? …un mystérieux homme – tiens donc ! – qui, lui, apporte vingt pains d’orge et du grain frais.
Que sait-on de cet homme ?
Rien.
Nous en parle-t-on plus tard ?
Non.
Le retrouvons-nous ensuite pour l’interviewer ?
Pas davantage.
Quand je vous dis qu’on ne sait rien de lui ce n’est pas tout à fait exact. Car – cauchemar des lecteurs et des lectrices de la messe – on nous précise qu’il vient de Baal-Shalisha.
Vous allez me dire : « Oui, mais ça pour nous c’est de l’hébreu ! » Et vous avez raison, c’est de l’hébreu.
Baal-Shalisha. C’est un nom de lieu d’où vient ce mystérieux homme. On ne sait pas du tout où c’est… Mais on sait ce que ça veut dire : Baal-Shalishah, en hébreu, cela peut se traduire par « le maître de trois choses »… ou alors « le triple Seigneur » ou encore « le Dieu-Trois ».
Ah, ça, ça nous rappelle tout de suite quelqu’un ! Le Dieu qui est UN en trois personnes, on connaît. Mais dans l’Ancien Testament on ne connaît pas du tout ! C’est tout à fait étonnant que ce mystérieux homme vienne d’un lieu qui veut dire « Dieu est Trois » ! C’est bien cet homme qui apporte tout ce qui est nécessaire au miracle, peut-être est-ce un envoyé de Dieu lui-même…
Que faire de tout cela pour nos vies d’aujourd’hui, Chers Amis ?
D’abord se dire qu’un miracle – et il y en a toujours, aujourd’hui encore ! – un miracle n’est jamais possible par nos propres moyens. Ni même, dans la Bible, par Dieu seul. Il a besoin de quelqu’un et, souvent, c’est une personne mystérieuse qu’on ne retrouve pas par la suite.
Les miracles, dans nos vies, obéissent au même procédé : souvent c’est une aide, venu d’on ne sait où, qui permet le miracle ou qui permet à la situation inextricable de se dénouer. Et parfois on ne retrouve jamais cette personne, elle reste mystérieuse.
Si on veut un miracle, on a besoin de Dieu, bien sûr, mais on a aussi besoin des autres. Les autres qui sont parfois venus d’on ne sait où… et qui sont parfois des envoyés de Dieu.
Enfin je crois aussi qu’on peut aussi retenir de cette histoire que, pour qu’il y ait miracle, pour sortir de ce qui nous semble une impasse, il faut encore y mettre tout ce que Paul nous détaillait dans la deuxième lecture…
Humilité, douceur, patience entre nous, se supporter les uns les autres avec amour, rechercher l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix, disait Paul…
Vaste programme !
Vaste programme mais pas du tout impossible à réaliser, à vues humaines, beaucoup moins que de multiplier des pains et des poissons à l’infini ! Vaste programme… mais possible !
Et il est temps, je crois, de nous atteler à ce programme de vie que nous propose Paul.
Humilité d’abord – c’est-à-dire cesser de croire qu’on peut s’en sortir tout seul, c’est d’abord ça, l’humilité.
Douceur – ce n’est pas en s’énervant qu’on va régler le problème, on le sait bien…
Patience – patience… nourrir des milliers de personnes avec cinq pains et deux poissons suppose une certaine dose de patience… ça a dû prendre un petit moment quand même…
Amour – il en faut pour faire passer la faim de l’autre avant la nôtre, pour servir l’autre avant de voir s’il en restera pour nous. Il en faut, de l’amour, pour supposer le bien commun supérieur à mon bien propre.
Unité, enfin – il en fallu au jeune homme pour donner tout ce qu’il avait, afin de réaliser l’unité de cette foule. Comme pour chacun de nous pour faire unité avec notre communauté.
C’est ainsi que vient la paix, si l’on en croit Paul, et c’est ainsi que chacune, chacun de nous peut être nourri.
Alors pour terminer, et pour reprendre un des ingrédients apportés par ces mystérieux hommes, il me semble, Chers Amis, que nous avons du grain à moudre… et qui sait, peut-être, à multiplier !
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Bex, samedi 27 juillet 2024, 18.00 (version enregistrée)
Aigle, dimanche 28 juillet 2024, 10.00
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