C’est rien ??? Mais quelle violence !

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Photo libre de droits : pixabay

Homélie pour le 30e dimanche TO, année A

Exode 22,20-26 / Psaume 17 / 1Thessaloniciens 1,5c-10 / Matthieu 22, 34-40

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Si je vous demandais, là tout de suite, quel est l’article le plus important du droit canon ?

Vous seriez bien embêtés de me répondre – d’abord il y en a près de 1800 et ensuite, pour la plupart, on ne les connaît pas forcément.

Ce sont les spécialistes, les canonistes comme on les appelle, qui connaissent tous les articles et qui pourraient éventuellement répondre à cette question – du moins vous donner leur article préféré, le plus important à leurs yeux.

A l’époque de Jésus, pas de droit canonique mais des commandements. Seulement voilà, depuis les dix que Moïse a récoltés au Mont Sinaï jadis, eh bien on en a rajouté ! Déjà à l’époque de Jésus ! Notre première lecture, d’ailleurs – le livre de l’Exode – nous en donnait un petit aperçu : ne pas accabler la veuve ni l’orphelin (vous ne l’avez pas dans les dix commandements, celui-là !), ne pas imposer d’intérêts à la dette concédée à un pauvre (vous ne l’avez pas non plus dans les dix commandements !) etc, etc.

Parce qu’il y en a bien d’autres : en tout, à l’époque de Jésus, on comptait déjà 613 ! C’est trois fois moins que le droit canon actuel, d’accord, mais ça reste beaucoup tout de même !

Et le docteur de la Loi qui veut tendre un piège à Jésus, dans notre page d’Evangile d’aujourd’hui, sait très bien tout cela. Il les connaît, lui, les 613 commandements en question. C’est un docteur de la Loi. Et il veut piéger Jésus en lui demandant lequel est le plus important.

C’est un piège car… que va répondre Jésus ? Est-ce honorer Dieu qui est le plus important ou honorer notre prochain ? Voilà un sacré piège pour celui qui dit être le Fils de Dieu…

Jésus ne se laisse pas prendre au piège : il va répondre, nous connaissons ce texte par cœur et nous venons de le réentendre, que le commandement le plus important est : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (ou de tout ton esprit, ça dépend des traductions.) Mais il indique immédiatement que le second lui est semblable – donc de même importance : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Aimer Dieu, aimer le prochain, même importance, il ne s’est pas laissé prendre au piège.

Pour nous aujourd’hui, il s’agit d’accueillir cette parole – comme le disait d’ailleurs Paul dans la deuxième lecture – la parole est faite pour être accueillie, pour être mise en pratique dans notre vie.

Seulement pour cela, il faut que je vous donne deux petites clés de lecture que l’on ne possède pas forcément ou alors qu’on a peut-être oubliées.

D’abord pour le premier commandement.

Aimer le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force, on voit à peu près ce que ça veut dire. Sauf qu’en hébreu, dans la langue de Jésus, les mots n’ont pas du tout la même signification.

Le cœur, pour les Hébreux, c’est plutôt le lieu de l’intelligence, de la prise de décisions… ça correspondrait peu ou prou à notre cerveau, [montre sa tête] ça se passe là.

Le souffle, l’âme, pour les Hébreux, c’est plutôt tout ce qui est sort au niveau de notre nez et de notre bouche, [montre sa bouche] ça se passe ici.

Et la force, c’est plutôt ce qui est de l’ordre du courage ou de l’amour, et c’est tout ce qui se passe plutôt dans le cœur, ici [montre son coeur].

[remontre les trois endroits, successivement] : ici, ici et ici.

Ça ne vous rappelle rien ? Mais vous venez de faire ces gestes ! Vous venez de toucher votre tête, votre bouche et votre cœur, il y a deux minutes à peine !

Oui ! Ces trois croix que l’on trace sur nous juste avant l’Evangile sont en lien profond avec ce texte !

Oui, ce sont des croix, hein… c’est vrai que dans certaines paroisses on a l’impression que les gens chassent les mouches autour d’eux juste avant l’Evangile… mais pas vous bien sûr ! Ce sont bien des croix que l’on trace sur notre front, sur notre bouche et sur notre cœur juste avant d’entendre l’Evangile.

Et ce n’est pas pour rien !

On demande à aimer Dieu, à travers la parole qui vient de lui, et que nous allons entendre, et pour cela on demande que cette parole soit dans notre intelligence, pour que nous la comprenions bien, sur nos lèvres pour que nous puissions la redire autour de nous, et dans notre cœur pour que nous puissions en vivre et ne jamais l’oublier, la connaître par cœur, précisément…

Vous y penserez, désormais, à la messe, j’espère !

Voilà donc, déjà, une belle manière de comprendre le commandement le plus important aux yeux de Jésus. Mais il y avait le second, qui lui est semblable, disait-il : tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Et alors là… l’effort de compréhension est encore plus complexe.

Vous allez me dire : « Bah, non, à priori c’est assez simple. Aimer notre prochain, ça va, on voit assez comment on peut faire. Surtout avec les sollicitations de toutes sortes que nous recevons régulièrement, dans nos boîtes-aux-lettres, dans la rue, à la télévision, dans les journaux… aimer notre prochain, on voit bien ce que cela signifie. »

Oui mais voilà… Jésus est beaucoup plus exigeant. N’oubliez pas – et on l’oublie souvent ! – la deuxième partie de la phrase : « Tu aimeras ton prochain COMME TOI-MÊME… »

Et là, pas simple ! Parce que si l’on y réfléchit deux minutes, qu’est-ce que cela signifie vraiment ?

Ça veut dire : si tu te dénigres toi même, si tu passes ton temps à dire « ah, je suis trop nul, quel imbécile je fais, quel maladroit je suis », eh bien, c’est comme ça que tu risques de traiter ton prochain ! Aime ton prochain comme toi-même, ça veut donc dire aussi « aime-toi ! »

Alors… ça ne signifie pas, Mesdames, se placer devant le miroir chaque matin et dire : « Miroir, oh beau miroir, dis-moi qui est la plus belle ? »… même si, assurément, il répondrait votre prénom, j’en suis tout à fait certain !

Mais s’aimer soi-même, c’est être indulgent tout simplement avec soi-même, se supporter soi-même. Aux deux sens du mots, d’ailleurs : être son meilleur supporter.

Je suis toujours frappé de voir à quel point les personnes qui ne supportent rien, ni le bruit, ni les odeurs, ni les voisins, sont précisément des personnes ultra-perfectionnistes, très souvent impitoyables avec elles-mêmes. Elles ne se supportent pas elles-mêmes, comment pourraient-elles supporter les autres ?

C’est par là que passe ce commandement de Jésus. Autant vous serez indulgent avec vous- mêmes, autant vous le serez avec les autres. Plus vous serez impitoyable avec vous-mêmes, plus vous risquez de l’être avec les autres.

Quand quelqu’un me dit : « Ah moi je ne me pardonne jamais rien ! », ça me fait beaucoup de souci sur sa faculté de pardonner aux autres.

Aime ton prochain comme toi-même !

Quand quelqu’un ne supporte pas les compliments, même principe :

  • Excellente, cette tarte aux pruneaux !
  • Oh vous savez ce n’est rien !
  • Heu… ben non, ce n’est pas « rien », c’est une tarte aux pruneaux, déjà, et puis, en plus, je viens de vous dire qu’elle est excellente !

C’est fou, cette expression « c’est rien »… ! C’est extrêmement réducteur de dire de notre propre réalisation : « ce n’est RIEN » !

Vous imaginez la violence que cela représente par rapport à quelque chose qui existe, que l’on vient de faire, de dire « c’est RIEN ».

Est-ce qu’on mesure bien le degré de dénigrement inscrit au plus profond de nous – parce que ça m’arrive aussi, hein ! – lorsque nous répondons « c’est rien » ? C’est une parole extrêmement dure !

Eh bien je ne m’étonnerais pas que cette même personne qui répond « c’est rien » lorsqu’on lui fait un compliment ait beaucoup de peine à complimenter le travail des autres… Si elle aime ce que fait son prochain comme elle semble apprécier ce qu’elle fait elle-même, ça promet !

Vous voyez, Chers Amis, ces deux commandements, qui sont simples en apparence, nous emmènent beaucoup plus loin que leurs mots nous le laissent croire au premier abord.

Alors n’oublions pas d’aimer Dieu [refaisant les gestes] de toute notre intelligence, de tout ce que nous disons et de tout notre cœur, et n’oublions pas que c’est à la mesure de l’amour que nous saurons porter à nous-mêmes que nous traiterons aussi notre prochain.

Amen.

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Bex, samedi 28 octobre 2023, 18.00

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