Homélie pour le 29e dimanche TO, année B
Isaïe 53,10-11 / Psaume 32 / Hébreux 4,14-16 / Marc 10,35-45
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
On entend parfois dire que chez nous, les catholiques, vous n’avez pas le droit de communier à la Coupe au moment de la communion, et que c’est très injuste, bien sûr, puisque normalement on devrait pouvoir communier au pain et au vin, au corps et au sang du Christ.
Alors d’abord, c’est faux. C’est important de se renseigner un peu : depuis Vatican II, c’est à dire depuis 1965 quand même, vous avez le droit de communier à la Coupe. Ça fait bientôt 60 ans… il est temps de mettre à jour le logiciel, hein ! Vous avez le droit, pleinement.
Mais, je vous le signale au passage, dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus dit à deux disciples qui précisément lui demandent ce qu’ils ont le droit de faire, Jésus leur dit : « Pouvez-vous boire à la Coupe que je vais boire ? »
Il ne leur dit pas : « Avez-vous le droit de boire à cette Coupe ? » Il leur dit : « Pouvez vous ? »
La nuance vous paraît peut être légère… mais si je prends l’exemple d’un feu de la circulation : si le feu est vert, vous avez l’autorisation de passer, vous avez le droit de passer. Mais si, au même moment, un enfant traverse en courant après son ballon, vous ne POUVEZ PAS passer, c’est une évidence !
Vous voyez que la nuance n’est pas si légère que cela : il y a la règle et il y a ce que l’on peut en faire. Et il y a une vraie nuance.
Alors évidemment, on a le droit de boire à la Coupe. Mais depuis le COVID, ça a rendu les choses un peu plus compliquées aussi. Avoir le droit de boire, c’est aussi prendre le risque de contaminer. Et donc c’est exactement comme pour le feu vert : l’autorisation est bien là, mais pour ce qui est de savoir si l’on prend ce risque, c’est autre chose.
Cependant, Jésus ne s’arrête pas à ces considérations. D’abord le COVID n’existait pas à l’époque, et ensuite ce n’est pas cela qu’il essaie de faire comprendre aux disciples.
La question n’est pas « ai-je le droit de communier à cette coupe ? » La question n’est même pas « puis je le faire ? » La question est : « est-ce que je suis prêt à le faire ? »
Les disciples ne sont absolument pas prêts, ils ne savent pas ce qu’ils demandent.
Quand ils demandent d’être à gauche et à droite du Christ, ils ne savent pas que le jour où il sera crucifié, il y aura un bandit à sa gauche et un autre à sa droite. Ils ne savent pas ce qu’ils demandent. Et quand Jésus dit : « Ces places sont préparées » il sait, lui, de quoi il parle.
Quand nous demandons quelque chose à Jésus, nous ne savons pas toujours la portée de notre demande.
Et quand nous lui demandons : « Mais alors j’ai le droit de communier à la coupe ? » eh bien, nous n’avons aucune idée de la portée de ce que nous demandons. Parce que cette coupe [montre le calice dans sa main], ce n’est pas une coupe du Monde, une coupe de l’UEFA ou encore moins une coupe de champagne. C’est la Coupe du sang du Christ.
Ça n’est pas tout à fait la même idée.
Boire à cette coupe signifie communier au sang du Christ.
Et alors là, évidemment, on hésite un peu plus.
Parce que ça signifie beaucoup de choses, communier au sang du Christ : ça signifie de se rappeler que nous avons un Messie qui a souffert. Une chose totalement impensable pour les Juifs de l’époque du prophète Isaïe, plusieurs siècles avant Jésus, lorsque Isaïe, dans notre première lecture, dit que le Messie va être broyé par la souffrance, ce sont les mots que vous avez entendus.
Et pour les Juifs de l’époque, c’est impensable. Dieu ne peut pas souffrir, le Messie ne peut pas souffrir ! Le Messie, ils le voyaient comme un Superman qui allait tout arranger, qui était tout puissant.
Mais le Messie, ce n’est pas cela, Jésus, ce n’est pas cela.
Le Messie, annonçait le prophète, devait souffrir et même mourir comme un esclave.
Etes-vous prêts, Chers Amis, à communier à cette coupe ci ? À souffrir ? Pas sûr, hein !
On aimerait bien ne pas souffrir et d’ailleurs, même Jésus, dans le Jardin des Oliviers, a dit : « Père, que cette Coupe passe loin de moi ! » Fais que je ne souffre pas ! « Toutefois, ajoute-t-il, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Cette Coupe, jadis, avant Vatican II, seul le prêtre pouvait y boire. Ce n’était pas pour vous interdire quelque chose. C’était parce que le prêtre représente le Christ dans la messe.
Cette coupe, c’est la Coupe du Grand-Prêtre dont parlait la deuxième lecture, la lettre aux Hébreux. Ce Grand-Prêtre éprouvé en toutes choses, celui qui compatit à nos faiblesses.
Compatir, cum patire en latin, souffrir avec, c’est celui qui souffre avec nous. Cette coupe contient la souffrance de toute l’humanité, le sang dont Jésus transpirait au Jardin des Oliviers.
Alors la question, Chers Amis, n’est pas « avez-vous le droit de boire à cette coupe ? » La question que Jésus nous pose, c’est : « êtes-vous prêts à boire à cette coupe ? »
Et la réponse qu’il fait à Jacques et Jean est terrible ! Alors que Jacques et Jean lui disent : « Ah oui, oui, nous on peut ! » Jésus leur dit : « Eh bien, vous y boirez ! »
Et effectivement, ils vont y boire eux aussi.
Alors la question, ce n’est pas tellement non plus d’y boire par masochisme. Vouloir la souffrance pour suivre Jésus, ce serait absurde ! Jésus n’a pas voulu la souffrance, il ne veut pas nos souffrances, il est venu les habiter avec nous, c’est tout différent !
S’il pouvait les écarter, il les écarterait comme il l’a demandé pour cette Coupe. Mais comme la souffrance est humaine, qu’elle fait partie de notre vie, et bien, à défaut de l’écarter, il est venu l’habiter avec nous. C’est tout autre chose. Il est venu boire cette coupe avec nous et ça la rend infiniment plus buvable.
Nous attendons notre vie du Seigneur, disait le psaume, et nous savons qu’au-delà de cette Coupe, au-delà du Vendredi Saint, il y a la Résurrection, qu’au-delà de toutes les souffrances de notre vie, il y a un jour la vie éternelle.
C’est ce qui rend la Coupe infiniment plus agréable à boire.
En buvant cette coupe, donc, nous savons que nous ne sommes pas seuls. Nous disons à Jésus : « D’accord, Seigneur ! D’accord pour cette coupe, d’accord pour les joies et les peines de notre vie, d’accord pour les souffrances, d’accord pour les maladies, le cancer, le COVID, tout ce que le mal imagine pour nous faire souffrir. »
« D’accord parce que je sais, Seigneur, que tout cela ne vient pas de toi, parce que je sais que tu es avec moi pour traverser tout cela, parce que je sais qu’après je ressusciterai avec toi ! Alors d’accord pour boire à cette coupe. »
« D’accord aussi parce que je sais que tu y as bu, toi.
D’accord aussi parce que je sais que tu y bois avec moi.
D’accord, enfin parce que cette Coupe, c’est la Coupe du vin des noces éternelles qui nous attendent auprès de toi ! »
Alors Chers Amis, la prochaine fois que vous réclamez le droit de boire à cette coupe, posez-vous d’abord la question : « est-ce que j’y suis vraiment prêt ? »
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Bex, samedi 19 octobre 2024, 18.00
Montreux, dimanche 20 octobre 2024, 11.00 (version enregistrée)
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