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Homélie pour le 4e dimanche Carême, A
1Samuel 16,1b.6-7.10-13a / Psaume 22(23) / Ephésiens 5,8-14 / Jean 9,1-41
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Vous connaissez les illusions d’optique, j’imagine. Nous en avons tous fait l’expérience une fois ou l’autre. De manière voulue ou non.
Quand j’étais ado, aux scouts, on nous montrait de nuit dans la forêt trois lampes, à distance. Une verte, une blanche et une rouge. Et on nous demandait de dire laquelle était la plus proche et laquelle était la plus loin. Invariablement nous affirmions que la lampe verte était plus loin et que la plus proche était sans conteste la rouge. La blanche étant entre les deux.
Et quelle n’était pas notre surprise lorsqu’on nous faisait marcher jusqu’aux trois lampes de découvrir qu’elles se trouvaient toutes trois exactement à la même distance du point d’observation !
Parce que le rouge, de nuit, paraît toujours plus proche. C’est pour cela que les feux de frein de nos voitures sont rouges, pour qu’on voit le véhicule qui nous précède et qu’il nous paraisse plus près. C’est fait pour.
Les apparences sont trompeuses, donc. De nuit comme de jour.
Il faut reconnaître que, s’il y en a un qui ne se laisse pas prendre par les apparence, c’est Dieu. Il voit bien mieux que nous. Il sait regarder le fond des coeurs, lui, et pas seulement les apparences, comme le disait notre première lecture, le livre de Samuel.
C’est d’ailleurs précisément ce que raconte l’élection de David, dans cette première lecture. Dieu ne voit pas comme les hommes. Il choisit celui que personne n’aurait élu : le plus petit, le dernier de la famille, celui qu’on n’avait même pas emmené à l’élection, tellement il n’avait aucune chance.
Dieu aime bien ceux qui n’ont aucune chance. C’est ceux-là qu’il choisit, en général. Nous, nous sommes aveuglés par notre façon humaine de voir les choses, mais Dieu regarde avec le cœur, il regarde au fond des cœurs.
Alors évidemment, de notre côté, c’est différent ! Entre les illusions d’optique et notre incapacité à regarder avec le cœur, nous sommes parfois de sacrés aveugles, au fond…
Et ça tombe bien, c’est justement une histoire d’aveugle que nous rappelait l’Evangile. La célèbre guérison de l’aveugle-né.
Un des éléments très intéressants de cette histoire c’est la réaction des spectateurs – ceux qui voient ou du moins qui sont censés voir. Parce qu’en fait, ils ne voient pas si bien que ça !
Il y en a quelques-uns qui ne croient pas au miracle. Et puis il y a ceux qui y croient mais alors… même quand ils y croient, ils critiquent le miracle. Soi-disant parce qu’il a été fait le jour du Sabbat, le jour du repos.
C’est comme si nos hôpitaux fermaient le dimanche. « Vous vous êtes cassé une jambe ? C’est dimanche ? Eh ben revenez demain ! Aujourd’hui, on ne travaille pas, c’est dimanche ! » C’est absurde, hein ! Heureusement que nos hôpitaux travaillent le dimanche, parmi d’autres corps de métiers d’ailleurs.
Dans cet Evangile, les Pharisiens spectateurs du miracle sont en fait les plus gravement atteints de cécité. Les aveugles, ce sont eux !
De par leur raisonnement, de par leurs préjugés, de par leur aveuglement, justement.
Et si nous devions nous projeter dans l’un ou l’autre des personnages de cette histoire, il me semble que nous pourrions facilement nous reconnaitre – parfois – dans le rôle des Pharisiens. Combien de fois jugeons-nous quelqu’un à l’emporte-pièce, sur des rumeurs, sur des préjugés, sur des apriori, des apparences, parce que le journal a dit telle chose de lui… ?
C’est de l’aveuglement, hein ! Mais on n’y pense pas toujours…
Qu’est-ce que Jésus veut nous apprendre par cette histoire ? Que nous sommes peut-être assez nombreux à être des aveugles, plus régulièrement qu’à notre tour. Plus enclins à voir ce qui nous arrange que la réalité.
L’aveugle de naissance, guéri par Jésus, provoque des réactions très contrastées, vous l’avez vu. Les uns le reconnaissent, les autres non. Formidable humour de l’Evangile : l’ancien aveugle voit bien, et ce sont les autres qui ont la vue brouillée sur son passage ! C’est quand même du dernier comique, non ?
C’est dans ce même passage – vous l’avez entendu mais comme c’est tout au début, souvent on laisse passer cette parole – c’est dans ce même passage que Jésus dit de lui-même : « Je suis la lumière du monde. »
Autrement dit : « Vous avez le droit d’être aveugles. Mais alors, tant qu’à faire, passez par moi. Parce que je suis la lumière du monde. Avec moi, vous y verrez clair. »
Et il faut reconnaître que, quand on est dans les ténèbres du jugement… on ne voit pas très clair. Et on a besoin de la grâce de Dieu, de son amour pour y voir mieux. Quand il fait sombre dans notre cœur, on n’y voit rien.
Et quand on vit la réconciliation avec quelqu’un avec qui on s’était disputé, par exemple, alors tout à coup il fait jour, tout à coup il y a de la lumière dans nos cœurs.
C’est ce que Paul nous demande dans la deuxième lecture. « Frères, vous n’étiez que ténèbres, alors vivez en enfants de lumière ! »
Et vivre en enfants de lumière, c’est voir le monde avec les yeux du cœur, je crois, loin des illusions d’optique de nos médias.
Parce que si vous regardez le monde tel que le décrivent nos journaux télévisés ou nos journaux papier, c’est l’horreur ! Mais si vous le regardez avec les yeux du cœur, alors vous allez voir toutes ces petites choses dont les médias ne parlent jamais : les gestes de solidarité, les gens qui s’entraident, les personnes qui sèment (du verbe semer ou du verbe s’aimer, comme vous voulez, « les gens qui s’aiment » !). On les voit, si on regarde avec le cœur.
A nous, alors, de regarder le monde avec la lumière qu’est Jésus. Comme un vitrail aux mille couleurs, nous allons le voir plus beau qu’il n’est en réalité, mais ce n’est pas grave : nous le contemplons alors tel que Dieu le rêve.
Et c’est bon de rêver ensemble à un monde plus lumineux !
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Champex, samedi 18 mars 2023, 17.00 (version enregistrée)
Aigle, dimanche 19 mars 2023, 10.00
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