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Homélie pour le 3e dimanche du Carême A
Ex 17,3-7 / Psaume 94 / Rm 5,1-2.5-8 / Jn 4, 5-15.19b-26.39a.40-42 (version courte)
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
J’espère que vous avez lu « Le Petit Prince » ? Du moins dans votre enfance… C’est très injuste parce que Saint-Exupéry disait que c’est un livre pour les adultes, en réalité. Plus exactement pour les adultes qui n’ont pas oublié l’enfant qui est en eux. Il faudrait donc relire « Le Petit Prince » à l’âge adulte… et nous y découvririons d’autres choses que les souvenirs que nous avons de notre enfance.
Et notamment cette phrase : « Ce qu’il y a de beau dans le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. »
…Ce qu’il y a de beau dans le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part…
Nous sommes dans le désert du Carême. C’est un désert plus ou moins facile à traverser, tout dépend de ce dont vous vous privez. Tout dépend aussi d’autres déserts que vous traversez peut-être en même temps. Le désert de la maladie, celui du deuil, celui de la solitude, celui de la souffrance, autant de déserts que nous traversons parfois dans nos existences. Mais ce qu’il y a de beau dans le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part.
Alors dans nos lectures d’aujourd’hui, il y avait d’abord le premier puits, celui de l’Ancien Testament. Celui du livre de l’Exode. Un puits qui arrive à point nommé parce que c’est précisément le moment où le peuple est en train de douter.
Et… nous arrivons gentiment à la moitié de notre Carême, et c’est pas un passage facile, la moitié d’un temps de désert, c’est parfois le lieu où nous pouvons douter. Je suis allé donner l’Onction des Malades à une personne à domicile hier et elle m’a dit : « Cette semaine, j’avais tellement mal que j’en suis venue à douter de Dieu ! »
C’est exactement ce qui arrive au peuple dans le désert. Il se sent tellement abandonné qu’il en vient à douter de Dieu. Il en vient même à penser que Dieu les a mis à l’épreuve. Volontairement. D’où le nom qu’il donne à ce lieu : « Massa », l’épreuve. Le moment où ils ont tellement douté de Dieu que Dieu a dû leur donner un signe, l’eau jaillie du rocher. Massa…
Je ne sais pas si quelqu’un dans cette assemblée, parle hébreu, la langue de Jésus, mais c’est assez rare dans nos contrées.
Et si vous connaissiez le « Notre Père » en hébreu, ça vous ferait immédiatement tilt !
Parce que la dernière phrase de « Notre Père », dont on a bien compris maintenant que ça n’est pas « ne nous soumets pas à la tentation », puisque Dieu ne soumet à rien du tout, mais « ne nous laisse pas entrer en tentation »… en réalité, en hébreu, cette phrase se dit : « ne nous ramène pas à Massa ».
Ça change tout, hein ? « Ne nous ramène pas dans ce lieu où nous avons tellement douté de toi que nous avons été tentés de croire que tu nous envoyais du mal. »
Or, nous sommes régulièrement à Massa, dans notre cœur. Quand il nous tombe une tuile sur le coin de la tête et qu’on dit : « Qu’est-ce que j’ai encore fait au bon Dieu ? »… nous sommes à Massa. Nous pensons que Dieu nous a envoyé du mal. C’est faux, mais c’est une tentation.
Pensez-y lorsque vous prierez le Notre Père : « ne nous laisse pas entrer en tentation » c’est « ne nous ramène pas dans ce désert où nous avons été jusqu’à douter de ton amour ».
Alors, cette eau vive qui surgit dans le désert, on la retrouve quelques milliers de pages plus loin dans nos Bibles, dans l’histoire de la Samaritaine, que vous venez de réentendre.
La Samaritaine est venue chercher de l’eau au puits, de l’eau toute simple. Et si je vous demande maintenant, « De quoi avez-vous soif ? », peut-être me répondrez-vous par un liquide, un café ? Moi, j’ai eu la chance d’en avoir un tout à l’heure. Et peut-être vous aussi ? Peut-être avez-vous soif d’un verre d’eau ? …ou bien d’un apéro, mais c’est pas encore l’heure !
Mais peut-être avez-vous soif d’autres choses ? Soif de paix dans le monde… et dans notre cœur, parce que la paix commence là… Soif de justice ? Soif de réconciliation ? Soif de tendresse ? Il y a de nombreuses soifs.
Et l’eau, quelle que soit la marque d’eau minérale que nous choisissons, n’apaise pas ces soifs-là, nous le savons bien ! Ce serait trop facile, si on pouvait acheter de l’eau qui apaise la soif de la paix, on se ruerait dessus, n’est-ce pas ?
Et c’est bien l’enjeu de la scène entre Jésus et la Samaritaine, elle, elle a soif d’eau, mais Jésus lui montre qu’en réalité elle a soif d’autre chose, elle a soif de la grâce !
Elle, elle pense à l’eau d’ici, mais Jésus lui donne de l’eau de là.
Sans mauvais jeu de mots : il lui propose l’eau de la vie éternelle. Et c’est cette grâce, cette grâce venue de Dieu, qui coule dans nos cœurs, c’est celle dont parlait Paul dans la 2e lecture, dans la lettre Romains. « La grâce de Dieu a été répandu dans nos cœurs »… c’est de cette eau vive dont parle Paul.
Alors, peu importe qu’elle sorte du rocher de Massa ou bien du puits de Jacob, cette eau vive ! Nous sommes venus nous y abreuver ! C’est l’eau de sa parole. C’est l’eau de l’eucharistie tout à l’heure et cette eau nous redonne des forces pour que nous puissions ensuite aller porter cette eau dans le monde, abreuver celles et ceux qui ont soif eux aussi d’espérance, de justice, de tendresse, de paix.
C’est à eux qu’il nous faudra dire tout à l’heure en ressortant : « Moi, je viens de boire à une eau qui apaise ta soif ! »
Merci, Seigneur, de nous donner toujours de cette eau, cette eau de là plutôt que l’eau d’ici, cette eau qui apaise nos soifs, cette eau de grâce que tu répands dans nos cœurs. Amen.
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Bex, 11 mars 2023, 18.00
Clarens, 12 mars 2023, 9.30 (version enregistrée)
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