Le geste de Madame Agnès…

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Chers Amis,

J’aimerais vous ramener 46 ans en arrière, très précisément. Une lettre très importante part de Stockholm en Suède. Cette lettre est adressée à une certaine « Madame Agnès »… Agnès Gonxhe Bojaxhiu – j’espère que je prononce correctement son nom.

L’enveloppe traverse l’Europe, elle est acheminée jusqu’en Asie. Elle contient un message très important provenant de l’Académie Nobel. Un prix. Le plus prestigieux, sans doute : le prix Nobel de la paix.

L’enveloppe destinée à cette Madame Agnès est acheminée en Inde jusqu’à la ville de Calcutta, dans une certaine rue, à un certain hôpital. Le facteur la remet en personne à une petite dame en sari bleu et blanc, Madame Agnès.

Mais le facteur l’appelle « Mère » et c’est ainsi que nous la connaissons, sous son nom de religieuse : Mère Teresa.

Elle ouvre la lettre et elle se dira très surprise qu’on lui décerne à elle, une petite religieuse, ce prestigieux prix Nobel de la paix, au nom de son œuvre auprès des plus pauvres, des plus déshérités de ce monde.

La remise officielle est prévue le 10 décembre à Stockholm, en Suède. Et bien sûr, la lettre l’invite à s’y rendre.

Entre ces deux dates, il se passe quelque chose de peu connu, mais qui mérite d’être rappelé. Certains d’entre vous s’en souviennent peut-être… Madame Agnès répond, c’est bien normal. Elle dit d’abord avoir hésité à accepter. Mais elle accepte.

Elle accepte ce prix… mais pas pour elle. Pour les plus pauvres, dira-t-elle. C’est pour eux qu’elle accepte.

Mais elle a deux exigences.

La première : elle demande qu’on annule le banquet prévu le 10 décembre pour elle en compagnie des grands de ce monde. Elle n’a rien à faire au milieu d’eux.

Sa deuxième exigence ? Elle exige qu’on donne aux pauvres l’argent qui aurait servi à dresser ce banquet, l’argent qui devait servir à acheter le champagne, le caviar et les petits fours.

Permettez-moi de vous rappeler le début de l’Évangile que vous venez de réentendre : Jésus raconte à un groupe de Pharisiens l’histoire d’un homme riche, magnifiquement vêtu, qui faisait chaque jour des banquets somptueux. Et devant son portail gisait un pauvre couvert d’ulcères qui aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche.

Mère Teresa – Sainte Mère Teresa devons-nous dire maintenant, puisqu’elle a été canonisée il y a quelques années déjà – Sainte Mère Teresa a compris et appliqué mieux que personne cet Evangile.

Alors bien sûr, vous allez me dire que nous ne sommes pas tous invités à des banquets de ce type. Nous ne pouvons pas tous agir comme Mère Teresa, bien sûr ! Mais je vous répondrai que nous pouvons appliquer l’Évangile à notre portée, chez nous, à notre porte. Avec nos pauvres à nous.

C’est déjà pas si mal quand nous pouvons le faire. Parce que ce n’est pas si simple d’arriver nous-mêmes, parfois, à joindre les deux bouts, à payer toutes nos factures… En particulier en cet automne où nous apprenons – oh surprise ! – que nos assurances-maladie continuent leur petit jeu d’extorsion de fonds à faire pâlir de jalousie la mafia italienne.

Mais s’agit-il bien de cela dans cet Evangile ? S’agissait-il bien de cela le 10 décembre 79 ? Pas sûr.

Vous savez, ce qui se dégage d’une parabole, c’est souvent ce qu’elle met en lumière dans son entier.

Que dit Jésus dans cette parabole ? L’homme riche mort dans la tourmente du Shéol vient demander qu’on avertisse ceux qui sont sur terre. Qu’on leur dise qu’il est encore temps de changer d’attitude, de se convertir. Et Abraham lui répond qu’il y a déjà des gens qui s’en chargent : Moïse, les prophètes. Qu’a fait Mère Teresa en cet automne 79, sinon un geste prophétique ?

En refusant ce banquet, elle a posé un geste de prophète en demandant que l’argent soit rendu aux plus pauvres. Elle a posé un geste de prophète : ce n’est pas son argent à elle qu’elle a donné, c’est l’argent superflu qui servait à lui rendre un honneur qu’elle refusait pour elle-même. Ce n’est pas tout à fait pareil.

Mère Teresa se savait riche de beaucoup d’autres choses et elle en faisait don aux pauvres. Pas de l’argent, mais de tout le reste : de la tendresse, de son sourire, de ses mains, de son affection, de son temps… elle posait des gestes prophétiques.

Dans notre première lecture, le prophète Amos prédisait malheur à ceux qui se vautrent sur des lits d’ivoire… Je pense que vous avez de la marge, et moi aussi. Je n’ai jamais vu un lit d’ivoire à Aigle ! (Peut-être ne suis-je pas entré dans les bonnes maisons… je n’ai jamais non plus été chez un directeur d’assurance-maladie) mais je pense qu’on a de la marge !

Cela dit, nous, Chers Amis, nous sommes riches de multiples choses : le temps, l’amour, l’écoute que nous pouvons offrir autour de nous.

Et ça, ce n’est pas réservé aux religieuses comme Mère Teresa.

Paul, dans notre deuxième lecture, s’adresse à nous lorsqu’il nous dit : « Toi, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance, la douceur… »

Nous avons tous à rechercher cette attention aux plus petits. Et ce n’est pas forcément chez les mendiants qu’il faut chercher ces petits, mais d’abord chez celles et ceux qui n’osent pas dire qu’ils crèvent de solitude… Chez celles et ceux qui n’arrivent plus à payer leurs factures mais qui font illusion… Chez celles et ceux qui vivent un deuil inconsolable, même sept ans après… surtout 7 ans après.

Les plus pauvres sont souvent ceux auxquels on ne pense pas tout de suite en parlant de pauvreté. Ce sont aussi celles et ceux qui vivent une maladie impitoyable, dont les médicaments qui pourraient les guérir – pas de bol ! – sont justement ceux que cette année, on ne rembourse plus !

Offrons un peu d’écoute, un peu de temps, un peu d’amour à ces personnes qui sont réellement les plus pauvres et qui ne le diront jamais. Elles sont parmi nous, ces personnes.

Nous ne sommes pas de la taille de Mère Teresa, c’est impossible de lui arriver à la cheville. Mais nous pouvons poser ces petits gestes prophétiques à notre portée, ces petits gestes qui interrogeront autour de nous et qui convertiront peut-être…

Peut-être qu’un jour vous aussi vous recevrez non pas une lettre venue de Stockholm, mais simplement un sourire venu du ciel, peut-être d’une certaine Madame Agnès, qui sait ?

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Champex, samedi 27 septembre 2025, 17.00

Aigle, dimanche 28 septembre 2025, 10.00 (version enregistrée)

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