Vos enfants ne sont pas vos enfants

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Homélie pour la solennité de SAINT JOSEPH

2Samuel 7,4-16  /  Psaume 88  /  Romains 4,13-22 / Matthieu 1,16-24a

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

On parle très souvent du « Oui » de la Vierge Marie. De son « Fiat »… « Fiat », en latin, ce n’est pas d’abord une marque de voitures, ça veut dire « Oui », en latin, ça veut dire « Qu’il en soit ainsi, que cela se fasse, fiat ».

Et moi-même, jadis, j’avais mis en avant le « Oui » de Marie, allant jusqu’à écrire une comédie musicale qui s’appelait « Oui », simplement.

Mais je dois avouer que le « Oui » de Saint Joseph m’a toujours paru un peu plus courageux que celui de la Vierge Marie. Sans dénigrer Marie, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

C’est vrai Mesdames, et vous aussi mes Sœurs, qui d’entre vous dirait « Non » à un ange qui vient vous annoncer que vous allez devenir mère du Fils de Dieu, franchement ? Vous diriez non, vous ? …Je n’en connais pas beaucoup qui diraient non.

Mais, Messieurs, même si on n’est pas beaucoup ce matin, qui de vous dirait « Oui » à une mystérieuse voix céleste qui vient vous dire que votre fiancée est enceinte, par l’opération du Saint Esprit, qu’il ne faut pas y voir pour autant un acte de rupture et qu’il faut garder confiance ?

Eh bien je n’en connais pas beaucoup non plus qui diraient oui…

L’incroyable courage de Saint Joseph !

Le « Oui » de Joseph m’a donc toujours paru un peu plus puissant encore que celui de Marie.

Je le disais à d’autres sœurs carmélites qui me sont presque aussi chères que vous, dans mon Pays Basque d’origine où je vais les voir chaque été et où j’aime aller me ressourcer.

Saint Joseph est très important pour les Basques, tout autant que pour les Fribourgeois ou les Valaisans.

Et face à mes hôtes Carmélites, dans ma prédication ce matin-là, c’était un 19 mars cette année-là, je faisais l’éloge du « oui » de Saint Joseph face au « oui » de la Vierge Marie, tout en déplorant au passage que, dans l’espace liturgique du chœur du monastère du carmel à Bayonne, la statue de Saint Joseph soit beaucoup plus petite que la statue de la Vierge Marie qui trônait de l’autre côté du chœur.

Et c’est là que la sœur hôtelière que je connais bien, m’a apostrophé à la sortie de la messe en me disant : « Père Vincent, vous avez raison, la statue du bon Saint Joseph est plus petite. Mais vous aurez remarqué que le piédestal sur lequel elle est posée est beaucoup plus haut que celui de la Vierge Marie, ce qui a pour conséquence que les deux têtes sont exactement à la même hauteur. Et la tête de Saint Joseph est même un peu plus haute… » me dit-elle !

On a bien ri.

Je pense souvent à mes chers amis du Pays Basque quand revient la Saint Joseph, parce qu’on l’aime bien aussi là-bas.

Joseph… Le père bafoué par Jésus lui-même lorsque son enfant lui assène, au Temple, qu’il ne devait pas se faire de souci – alors que ça fait trois jours qu’il ne l’a pas vu ! – qu’il ne devait pas se faire de souci parce qu’il savait bien qu’il se devait aux affaires de son Père… celui des Cieux !

Ça doit quand même faire bizarre, de la part d’un père, d’entendre son propre fils lui affirmer qu’il n’est pas son père… ça n’a pas dû être facile à entendre !

C’est pour cela que j’aime bien nos lectures d’aujourd’hui. Il y a, une fois de plus, une grande sagesse dans le choix des textes qu’on nous fait méditer le jour de la Saint Joseph.

La première lecture, le second livre de Samuel, nous parlait de descendance.

La deuxième lecture, la lettre aux Romains, nous parlait de descendance.

Et l’évangile de Matthieu nous parlait de descendance.

Mais à chaque fois il s’agit de la descendance à laquelle le personnage concerné ne s’attendait absolument pas.

David, Abraham, Joseph ne s’attendent absolument pas à la descendance qui leur est annoncée… dans les textes de ce matin.

Un peu comme si Dieu voulait nous dire : « S’il y a de l’inattendu dans ta famille – famille spirituelle, ça marche aussi hein ! – s’il y a de l’inattendu dans ta famille c’est peut-être bon signe… »

Un peu comme si Dieu voulait nous dire aussi : « Ce n’est pas vous qui comptez, c’est votre descendance. Ce sont les fruits que vous porterez, que Dieu vous donnera. C’est ça qui compte. »

Alors là, celles et ceux parmi vous qui n’ont pas d’enfants peuvent se dire : « Ah ben c’est sympa pour les célibataires, cette affaire ! Si c’est la descendance qui compte… »

Non… parce que le mot « descendance » est beaucoup plus large que cela !

Descendance selon la chair comme certains d’entre vous, ou descendance spirituelle, pour qui n’a pas d’enfants selon la chair. Nous avons tous des descendants. Des personnes qui viennent après nous, dont nous prenons soin, que nous engendrons au monde. Dieu y pourvoit.

Et si certaines ou certains d’entre vous sont marraines ou parrains, c’est le même principe.

Personnellement, j’ai quatre filleules.

Ce sont quatre filles spirituelles puisque le parrain – je vous l’accorde, en français, ça fait un peu mafioso sur les bords, d’emblée, quand on dit « parrain » mais dans toutes les autres langues c’est très clair : « godfather » en anglais c’est le « père selon Dieu » et la marraine c’est la « mère selon Dieu » – j’ai quatre filles spirituelles.

L’une de mes filleules, Mathilde, est d’ailleurs née la veille de Saint Joseph, un 18 mars. Elle a eu trente ans hier. Ce n’est pas ma fille, bien sûr. Mais je l’aime comme si c’était ma fille, c’est une descendance spirituelle !

Et je veille sur elle comme sur chacune de mes filleules.

Souvent nos enfants ne sont pas nos enfants. Comme Joseph aurait pu le dire de Jésus, d’ailleurs.

Et c’est le lot de tous les parents du monde qui savent bien, eux aussi, que leurs enfants ne leur appartiennent pas, ne sont pas leur propriété, leur possession, qu’ils leur sont confiés pour un temps et un temps seulement. Et qu’il faut faire du mieux que l’on peut pendant ce temps-là.

Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ce sont les enfants de Dieu qu’il nous confie. Un peu comme il l’a fait avec Jésus pour Joseph.

« Vos enfants ne sont pas vos enfants », c’est le titre d’un célèbre poème de Khalil Gibran. Et je voudrais vous le lire, pour terminer.

Parce que je me dis que Saint Joseph, quelque part, aurait sûrement apprécié ces mots lui aussi, notamment en cette nuit où son « Oui » s’est fait gigantesque.

Vos enfants ne sont pas vos enfants

Vos enfants ne sont pas vos enfants
Ils sont les fils et les filles
De l’appel de la vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous
Mais non de vous.

Et bien qu’ils soient avec vous,
Ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour
Mais non pas vos pensées.
Car ils ont leurs propres pensées.

Vous pouvez accueillir leur corps
Mais pas leur âme.
Car leur âme habite la maison de demain,
Que vous ne pouvez visiter,
Pas même dans vos rêves.

Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux
Mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va jamais en arrière,
Ni ne s’attarde à hier.

Vous êtes les arcs par qui vos enfants,
Comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini
Et il vous tend de sa puissance
Pour que ses flèches puissent voler vite et loin.

Que votre tension par la main de l’Archer
Soit pour la joie.
Car de même qu’il aime la flèche qui vole,
Il aime l’arc qui est stable.

Non, vos enfants ne sont pas vos enfants…

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Carmel du Pâquier, 19 mars 2021, 8.00

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