L’art de dire « merci »

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Homélie pour le 28e dimanche TO, année C

2Rois 5,14-17 / Psaume 97 / 2Timothée 2,8-13 / Luc 17, 11-19

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Vincent J.-J. Lafargue

prêtre

Chers Amis,

Lorsqu’on est au volant et qu’on approche d’un passage piéton, on s’arrête si quelqu’un manifeste l’intention de traverser, nous le savons bien. Mais peut-être vous est-il arrivé, dans le rôle du conducteur ou de la conductrice, de marmonner intérieurement, en voyant le piéton traverser : « Il pourrait quand même dire ‘merci’ ! »

Des fois, même, on marmonne pas tout à fait intérieurement ! Et un jour que j’avais marmonné tellement peu intérieurement que c’était sorti de mes lèvres, mon passager m’a dit : « Mais… cette personne n’a pas à te dire ‘merci’… c’est la loi, c’est normal que tu te sois arrêté.»

Alors effectivement, c’est la loi, c’est la norme, c’est donc normal au premier sens du mot. C’est normal de laisser traverser quelqu’un, mais je ne crois pas que cela interdise de dire ‘merci’. Il n‘y a pas une norme qui interdise le remerciement, à ma connaissance en tout cas.

Or peu à peu, insidieusement comme ça, on glisse dans cette conception fausse de la normalité  et du remerciement. On ne remercie plus lorsqu’on estime que c’est normal.

La caissière du supermarché fait son travail poliment ? C’est normal ! Elle a fait un compte juste ? Encore heureux ! Le serveur du restaurant nous a bien servis ? C’est normal ! Il ne s’est pas trompé dans l’addition ? Encore heureux ! Le chirurgien vous a bien opéré, vous êtes guéri ? C’est normal, c’est son métier ! Il ne vous a pas opéré la fausse jambe ? Encore heureux ! Le prêtre est là pour la messe ? Il est payé pour ça, c’est normal ! …Et puis il y a intérêt à ce qu’il soit à l’heure !

Vous avez remarqué, les fidèles ont le droit d’être en retard, mais le prêtre jamais ! Je pose ça là, faites-en ce que vous voulez, hein…

C’est très bien, d’ailleurs, que les fidèles aient le droit d’être en retard. Parce que ça signifie qu’ici on est accueillis qui que nous soyons et quelle que soit l’heure à laquelle on arrive. Et ça, c’est très bien.

Mais vous voyez, ces petites phrases : « Il est payé pour ça… c’est son métier… manquerait plus que je lui dise merci… » on les entend autour de nous. Peut-être même dépassent-elles nos propres lèvres parfois !

Par contre, s’il y a UN SEUL défaut dans l’attitude de la caissière, du serveur, du chirurgien, même du prêtre, alors on va râler. Parce que ça, on sait faire, en général.

Et si possible on va râler au-dessus… On va appeler le gérant du supermarché, le directeur du restaurant, le chef du département de la santé, on va écrire à l’évêque.

Mais si tout va bien, c’est normal. Pourquoi est-ce que je dirais « merci » ? Pourquoi est-ce que j’irais écrire à l’évêque pour dire que le prêtre est tellement bien ?

Eh bien peut-être que l’évêque serait tout content de recevoir ce genre de lettres aussi, de temps en temps. Peut-être que le directeur du restaurant serait tout content de recevoir une lettre pour dire combien on a été bien reçus ce soir, chez lui. Peut-être que le directeur de l’hôpital serait très heureux de savoir combien nous sommes reconnaissants d’avoir été soignés dans sa maison. Peut-être même que le gérant du supermarché ne reçoit pas si souvent une lettre pour lui dire à quel point ses caissières sont sympathiques.

Or c’est le thème de tous les textes qu’on a entendus aujourd’hui.

Alors je vous entends penser : « J’ai bien écouté les textes, il ne m’a pas semblé entendre ni une histoire de passage-piétons ni de supermarché ni d’hôpital… » Vous avez raison, ce n’était pas dedans !

Mais dans la première lecture, le livre des Rois, autant que dans l’Evangile de Luc, nous avions des guérisons. Vous voyez qu’on n’est déjà plus très loin de mon exemple de médecin. Nous avions des guérisons, des guérisons de lépreux. Celle de Naaman, le général syrien, dans la première lecture, et puis celle de dix lépreux de Samarie et de Galilée dans l’Evangile de Luc.

Là il ne s’agit plus du tout de guérisons « normales ».

Retrouver une peau de bébé lorsqu’on est lépreux c’est de l’ordre du miraculeux, très clairement.

Naaman, le général syrien, l’a parfaitement compris dans notre première lecture. Il revient, vous l’avez entendu, il revient pour remercier et il revient avec tout son entourage ! Il veut absolument donner un cadeau au prophète Elisée. Il a compris que sa guérison vient de plus haut, qu’elle est miraculeuse, qu’elle vient d’une force qui le dépasse.

Alors ça ferait assez bizarre si on revenait à l’hôpital vers le chirurgien qui nous a opéré, avec toute notre famille pour lui demander : « Quel cadeau je peux vous offrir ? » Il nous dirait : « Mais vous ne me devez rien… » D’ailleurs le prophète dit à Naaman qu’il n’a rien besoin de lui offrir.

Alors Naaman fait quelque chose de très beau, vous l’avez entendu : il prend de la terre et il dit qu’à chaque fois qu’il priera Dieu désormais, il se souviendra de cette terre où il a été guéri… N’allez pas prendre un carreau de l’hôpital qui vous a guéri pour autant !

Mais, en revanche, vous avez entendu l’attitude des dix lépreux, dans l’Evangile de Luc. Elle n’est pas tout à fait identique… Un seul revient pour dire « merci » à Jésus. Un sur dix. Et en plus c’est l’étranger des dix, celui qui ne parle probablement pas la même langue. C’est lui qui revient pour dire ‘merci’. Les autres… plus de nouvelles ! On a été guéris ? C’est normal.

Il revient dire « Merci »… C’est un petit mot, «  merci »… un petit mot de cinq lettres qui commence par les trois mêmes qu’un gros mot de cinq lettres, aussi… qui sort parfois plus souvent.

« Merci »… ce n’est pourtant pas difficile à dire, me semble-t-il ?

Depuis quand n’avons-nous pas dit « merci » à Dieu ? Eh bien c’est exactement ce que vous êtes venus faire ce matin. Vous savez que « eucharistie », ça signifie « rendre grâce », « dire merci »… Donc c’est ce que nous venons faire aussi lorsque nous venons à la messe. Nous venons dire « merci » à Dieu.

Et je crois que c’est une bonne attitude à la fin d’une journée. Le pape François l’enseigne aux enfants : « La prière du soir ? Trois mots : Merci… Pardon… S’il te plaît… ». C’est tout simple. Et vous remarquez au passage que le « merci » est en premier. Le « merci » prime sur le « pardon ». Et à fortiori sur la demande.

Trouvons au moins une raison à la fin de chaque journée de remercier le Seigneur. Même dans la pire des journées, il me semble qu’on peut trouver une raison de dire « merci »…

Paul disait dans notre deuxième lecture qu’on n’enchaîne pas la parole de Dieu. Lui, Dieu, saura toujours nous dire MERCI. On ne peut pas enchaîner sa parole. Il saura toujours nous parler, d’une manière ou d’une autre.

Mais nous enchaînons encore trop souvent notre parole à nous. Merci, pourtant, c’est si facile à dire.

Or, c’est au lépreux guéri qui revient lui dire merci que Jésus dit « Ta foi t’a sauvé. » Il n’a pas l’occasion de le dire aux neuf autres puisqu’ils ne sont pas revenus…

Alors je me demande… si un simple « merci » à Dieu pouvait précisément changer le cours de nos vies, nous sauver, guérir nos lèpres intérieures ? Ce serait vraiment trop bête de ne pas essayer, n’est-ce pas ?

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Bex, samedi 8 octobre 2022, 18.00 (version différente)

Villars s/Ollon, dimanche 9 octobre 2022, 10.00

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