L’Evangile des banquiers, vraiment ?

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Photo libre de droits : pixabay

Chers Amis,

Nous venons de réentendre le texte qu’on surnomme parfois « l’Evangile des banquiers ». Quand j’étais petit, au catéchisme, on me faisait dessiner les cinq petites pièces qu’a reçues le premier serviteur, et puis les deux qu’a reçues le deuxième, et puis la seule pièce qu’a reçue le troisième.

Et puis on nous racontait l’histoire, comme quoi le premier serviteur avait fait fructifier et avait reçu cinq autres, le deuxième en avait gagné deux autres, etc.

Vous venez de réentendre cette histoire. Et la catéchèse qu’on nous en donnait partait certainement d’une bonne idée de catéchiste, à la base.

Mais à l’arrivée le résultat est catastrophique : on croit que c’est une histoire d’argent, alors que ça n’a rien à voir !

On croit qu’il s’agit de faire fructifier son argent à la banque.

Avec le cynisme du capitalisme : le pauvre qui n’a déjà pas grand-chose, on lui enlève tout ce qu’il a et on le donne au plus riche.

Avec une pareille lecture, on se dit qu’il est sacrément injuste, le maître dont parle Jésus dans cette histoire !

Seulement ce n’est pas une histoire, c’est une parabole, cela nous était dit dès le début – et ça change tout. J’y reviendrai.

Et puis il faut dire aussi que nos Bibles sont faites pour être lues, pas seulement pour prendre la poussière sur une étagère ! Et si vous ouvrez la Bible à cette page de l’Evangile de Matthieu vous verrez, comme à toutes les autres pages, de petites notes.

Et en lisant les notes de cet épisode, vous vous apercevrez qu’un TALENT n’est pas tout à fait une pièce de monnaie. C’est l’équivalent du salaire de 6’000 journées de travail, à l’époque de Jésus. Evidemment, ça en fait des pièces de monnaie… Alors je ne vous raconte pas celui qui en a reçu 5… 30’000 journées de travail ! Bon courage pour les dessiner !

Vous sentez bien, du coup, que même si l’Evangéliste Matthieu est banquier lui-même, il a voulu probablement nous dire quelque chose d’autre à partir de cet épisode. C’est SYMBOLIQUE. C’est une PARABOLE, c’est-à-dire une petite histoire qu’on nous raconte pour nous faire comprendre autre chose à travers les éléments que l’on utilise.

Un « talent reçu du Maître », ça peut prendre d’autres significations que de l’argent.

Une interprétation courante et déjà intéressante, due à notre langue française, consiste à identifier les talents comme des charismes, des dons, des qualités que nous avons Chacune, Chacun, reçus. En nombres variés suivant les personnes. Et qu’il s’agirait donc de faire fructifier, de mettre au service de la communauté.

Tu es bon en maths ? Eh bien fais-en quelque chose. Tu es meilleur en sport ? En bien fais-en quelque chose ! Tu es doué pour écouter les autres ? Eh bien fais-en quelque chose !

Tu es une femme aux multiples dons ? Eh bien fais-en quelque chose pour ton mari, nous disait la première lecture, le livre des Proverbes.

Messieurs… ça marche aussi au masculin, hein ! Tu es un homme aux multiples talents ? Eh bien fais-en quelque chose pour ton épouse, notamment !

Si on relit l’évangile de Matthieu avec ces lunettes-là, on s’aperçoit que le dernier serviteur a précisément caché son talent. Les qualités qu’il avait reçues, il les a cachées ! Il n’a pas voulu les mettre au service des autres. PAR PEUR, nous disait le texte. Par peur du maître. Et c’est cela que le maître lui reproche.

La peur est bien mauvaise conseillère, dans nos vies, on le sait bien. Et Jésus le dit à de nombreuses reprises dans l’Evangile.

Et si le maître de la parabole, c’est Dieu… eh bien la peur de ce serviteur c’est la peur de Dieu. Oh… on nous l’a longtemps enseignée, c’est vrai. Mais on sait aujourd’hui combien ce serait une erreur d’avoir peur de Dieu.

Tout cela prend donc une coloration très éloignée des guichets de banques. Mais ce n’est pas tout !

Car rappelez-vous ce qu’a fait le premier serviteur, celui des cinq talents. Il les a fait fructifier… UNE FOIS. Il en a gagné cinq autres, OK ! Mais il aurait peut-être pu les faire fructifier davantage ! En gagner 15, 20, 50, 100… ? Vous ne croyez pas ?

Là, vous me direz qu’il n’a peut-être pas eu le temps. Et je vous répondrai : « Si ! Le texte de l’Evangile le disait ! » Mais c’est un petit mot qu’on passe, comme ça, sans l’écouter. « LONGTEMPS APRES », disait le texte, le maître revient et demande des comptes aux serviteurs.

Ils avaient tout le temps de faire fructifier plusieurs fois leurs talents mais ils ne l’ont fait qu’une seule fois, juste après le départ du maître.

Et c’est là qu’on comprend mieux la remarque du Maître aux deux premiers serviteurs : « Tu as été fidèle en PEU DE CHOSES. »

Et pourtant le Maître les félicite, vous l’avez entendu : « C’est bien, fidèle serviteur ! »

Transposé sur le terrain de nos charismes, qu’est-ce que ça signifie ? Que Dieu ne nous demande pas de faire des miracles avec les qualités que nous avons en nous ! Il ne nous demande pas d’en faire quelque chose toute notre vie. Il nous demande : « Ce que tu as reçu, fais-le fructifier AU MOINS UNE FOIS. Ne le cache pas, c’est tout ce que je te demande. »

Au moins une fois… c’est à notre portée, me semble-t-il.

Une autre interprétation va plus loin encore. Ces talents, dont chaque serviteur a reçu une quantité différente – et d’ailleurs on ne sait pas pourquoi – c’est peut-être bien les années de nos vies.

Certains en reçoivent 80, 90… d’autres 50, 60… quand d’autres meurent tragiquement à 20 ans, quand ce n’est pas avant. Pour quelle raison ? On n’en sait rien. Comme on ne sait pas pourquoi les serviteurs ont des talents en nombre différent au début de notre histoire.

Mais ce qui nous est demandé, quel que soit le nombre d’années de notre vie, c’est de porter du fruit, d’en faire quelque chose plutôt que de rejeter la vie qu’on a reçue en l’enfouissant dans le sol.

Et c’est là qu’on comprend pourquoi les serviteurs n’ont pas attendu avant de faire fructifier leurs talents : si on ne sait pas quand va venir la fin, autant faire fructifier ce qu’on a reçu tout de suite ! Comme ça, on ne se laissera pas surprendre comme un voleur.

Notre deuxième lecture le disait parfaitement : lorsque le Seigneur reviendra, autant qu’il ne nous surprenne pas… mais qu’il nous trouve comme des serviteurs ayant déjà fait quelque chose des talents qu’il nous avait confiés.

C’est à la portée de tout le monde de faire porter – au moins une fois – du fruit aux talents que nous avons reçus du Maître.

Demandons alors la grâce d’ouvrir les yeux sur tout ce que nous avons reçu dans notre vie, sur la vie elle-même reçue de nos parents…

Ne cachons pas tout cela, ne l’enfouissons jamais dans le sol, mais faisons-le fructifier. Au moins une fois, tout simplement. Et nous entrerons dans la joie de notre Maître, le moment venu.

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Champex, samedi 18 novembre 2023, 17.00 (version enregistrée)

Aigle, dimanche 19 novembre 2023, 10.00

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