Amos et l’oncle Picsou

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Photo libre de droits : pixabay

Homélie pour le 25e dimanche TO, année C

Amos 8,4-7 / Psaume 112(113) / 1Timothée 2,1-8 / Luc 16, 1-13

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

J’ai un point commun avec l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Monseigneur Morerod. Peut-être que c’est un point commun avec certaines ou certains de vous : j’aime les bandes dessinées. J’aime aussi les autres livres ! Mais j’apprécie les bandes dessinées, celles de mon enfance notamment. Il y en a un certain nombre chez moi ici à Champex.

Et tout petit, je me souviens d’avoir lu régulièrement le journal de Spirou, et plus tard le Picsou Magazine. Le fameux oncle Picsou… Peut-être que ça évoque quelques souvenirs à certaines, certains de vous. L’oncle de Donald… pas Donald Trump, hein, celui des bandes dessinées.

L’oncle Picsou qui nage toujours dans les lingots et dans les pièces d’or… je n’aimais pas beaucoup ce personnage, je ne l’ai jamais beaucoup aimé. Je trouvais qu’il avait trop de pièces d’or. Et puis aussi, on voyait qu’il n’était pas heureux – il ne sourit jamais – et que plus il possédait moins il était heureux, parce plus il était inquiet de perdre ce qu’il possédait.

Et il y a quelques années, au hasard d’une discussion avec un enfant – ce sont les meilleurs théologiens, les enfants, vous savez… il faut les écouter – cet enfant m’expliqua que Picsou, c’était un voleur. D’où son nom : Pique-sous. Ça ne m’avait jamais frappé !

J’ai alors essayé tout de même de défendre un peu le scénariste de la bande dessinée en expliquant que l’oncle Picsou avait peut-être quand même gagné une partie de cet argent, par son travail, et que c’est respectable, l’argent gagné par le travail, c’est noble.

– Non, me dit l’enfant, pas si on en a trop !

Et devant ma surprise, il continua en me disant :

– Tu vois, Picsou, il a beaucoup trop d’argent pour lui. Et comme il y a des personnes qui n’en ont pas, et que Picsou le sait, alors c’est un voleur.

J’essayais de comprendre la logique qui se passait dans cette petite tête… et comme il voyait que je ne le suivais pas encore tout à fait, il a continué en me disant :

– Mais si, c’est un voleur parce qu’il sait que d’autres ont besoin d’argent, lui il en a beaucoup trop et il ne le leur donne pas. Donc c’est un voleur ! S’il ne savait pas qu’il y a des pauvres, ce serait un gentil. Mais comme il sait qu’il y a des gens qui ont besoin de ses sous, et qu’il ne les donne pas, c’est un méchant, c’est un voleur. Son argent n’est pas à lui, il devrait le partager.

Je ne peux m’empêcher de trouver le raisonnement de cet enfant assez fort…

Bien sûr, il le dit avec ses mots d’enfants. Il n’a pas encore appris qu’on ne juge jamais la personne elle-même, même si on peut juger ses actes, n’est-ce pas… On ne peut pas traiter comme ça quelqu’un de voleur !

Il n’a pas appris tous ces raisonnements de grandes personnes qui font la balance entre un acte qui peut-être moralement discutable mais qui peut trouver sa source dans telle ou telle bonne raison. Il n’a pas lu tous les livres de morale, d’éthique que se farcissent les théologiens comme moi.

Et pourtant cet enfant raisonne avec son cœur d’enfant.

Et il se trouve que le Christ nous demande justement de redevenir comme des enfants si nous voulons un jour entrer dans le Royaume de Dieu.

Peut-être que son raisonnement, à cet enfant, est à suivre.

Dans la première lecture, on parlait d’argent. On lisait l’histoire du prophète Amos. C’est un homme pauvre, c’est un agriculteur Amos. Et il raisonne lui aussi avec des mots assez simples, un peu comme des mots d’enfant.

Et pourtant, il a pleinement raison dans l’extrait qu’on a entendu, quand il fustige ceux qui écrasent le pauvre, déjà à son époque, en magouillant pour avoir toujours plus.

« Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment » disent-ils, dans notre première lecture. Ça me rappelle vaguement le cheval dans les lasagnes il y a quelques années, hein ! « Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » Il y a des grandes entreprises ou des grands groupes qui vendraient n’importe quoi pourvu qu’on continue à le manger !

On est pile dans le livre d’Amos, dans notre première lecture ! Si vous allez voir l’entier de ce petit livre de l’Ancien Testament, vous verrez, c’est terriblement actuel !

Amos, dans l’extrait qu’on a entendu, disait aussi : « nous allons diminuer les mesures et fausser les balances. »

Diminuer les mesures et fausser les balances pour que le prix payé soit toujours le même mais qu’on ait moins avec ce même prix.

Si vous avez suivi la télévision ces derniers temps, ça vous rappelle peut-être quelque chose… Un petit tour sur Internet vous apprend ce qui s’est passé ces dernières années chez de grands groupes industriels de notre voisin français.

Il y a une eau minérale, par exemple, qui a réduit très légèrement la taille de ses bouteilles en passant de 1,25 litre à 1,15 litre… tout en augmentant le prix de la bouteille. Vous avez moins pour plus cher. Amos n’a rien inventé !

Vous avez aussi une grande marque de chocolats qui a fait passer ses chocolats de 30 à 24 dans une boîte qu’ils vendent le même prix qu’avant. Vous avez moins pour plus. Mais comme c’est une toute petite diminution, on n’y fait pas attention, n’est-ce pas…

Vous avez des portions de fromage fondu – dont je ne donnerai pas la marque – qui sont passées insensiblement de 20 à 18 grammes… et on en a profité pour augmenter leur prix.

Vous voyez… « nous allons fausser les balances », quand Amos dit cela, c’est terriblement actuel. D’autant que le but est toujours le même, à son époque comme à la nôtre : faire du fric. Sur notre dos, de préférence.

L’oncle de Donald, Picsou, est très moderne, finalement.

Et, dans l’Evangile, Jésus nous parlait aussi d’argent. Il nous rappelait qu’on ne peut pas servir deux maîtres, parce qu’alors on va détester l’un et aimer le second, ou l’inverse. Ainsi, dit-il, on ne peut pas servir à la fois Dieu et l’argent. Sous-entendu : si tu sers l’argent, tu ne sers plus Dieu.

Alors bien sûr, vous allez me dire – et vous aurez raison : c’est facile quand on en a, de dire ça. Quand on n’en a pas, c’est autre chose !

Et Jésus ne condamne pas du tout l’argent, absolument pas ! Il demande de ne pas le servir, c’est-à-dire de ne pas devenir serviteur de l’argent, de ne pas devenir esclave de l’argent, c’est tout à fait différent. Mais il ne condamne pas l’argent en lui-même.

Personnellement, mon argent me sert, mais je n’en suis pas le serviteur, vous voyez la nuance. On peut se servir de l’argent mais ne pas en être le serviteur.

Jésus ne critique pas l’argent. Il demande qu’on s’en serve, d’ailleurs, quelques versets plus haut. Mais pas qu’on soit à son service, toute la nuance est là.

J’ai essayé d’expliquer cela au petit bonhomme qui m’avait dit que Picsou était un voleur… mais comme je m’embrouillais un peu il m’a dit :

– Ouais, mais de toutes façons, Jésus c’est le roi des bons types !

Et puis il m’a encore demandé :

– Dans toutes tes bandes dessinées, à la maison, est-ce que tu as une histoire de Picsou avec Jésus ?

Comme je n’en avais pas, il m’a dit encore quelque chose que j’aimerais vous laisser pour terminer, parce que ça correspond exactement à notre deuxième lecture, la lettre de Paul à Timothée. Il m’a dit :

– C’est pas grave. Mais tu sais, quand j’ai dit que Picsou est un voleur, c’est vrai que c’est un peu méchant de ma part. Par contre, ce qu’on pourrait faire, c’est prier pour lui, est-ce que tu serais d’accord ? Comme ça peut-être qu’il comprendra un jour, peut-être que Jésus viendra dans son cœur !

J’ai prié avec ce petit bonhomme qui avait si bien compris l’Evangile, bien mieux que plein de téologiens que je connais…

Et je nous invite à faire de même, à prier pour ceux qui – comme Picsou – ont trop, beaucoup trop. Paul nous demande de faire ces prières, notamment pour les grands de ce monde, comme on dit.

Prions donc pour eux à l’occasion, plutôt que de les critiquer, et demandons à Jésus qu’il vienne toucher leur cœur.

Ça existe, les miracles, vous savez…

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Champex-Lac, samedi 17 septembre 2022, 18.00

Et dans une version légèrement différente jadis :

Les Diablerets, samedi 21 septembre 2019, 18.00

Euseigne, dimanche 22 septembre 2019, 18.30

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