Je suis en colère, mais…

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Homélie pour le 24e dimanche TO, année A

Si 27,30 – 28,7 / Ps 102 / Rm 14,7-9 / Matthieu 18, 21-35

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Pourquoi ne pas le dire ? Comme vous je suis en colère vis-à-vis des immondices que nous découvrons au sujet de l’histoire de notre Eglise en Suisse.

Comme vous je suis en colère face à ceux, dont certains dirigent encore nos Eglises aujourd’hui, qui ont dissimulé des preuves, détruit des preuves, piétiné littéralement les victimes en minimisant leur souffrance.

Comme vous, je suis en colère. Et ce serait malhonnête de ma part de ne pas le dire.

Jésus s’est mis en colère à deux reprises : la plus connue de ses colères est sans doute celle contre les marchands du Temple, vous vous en souvenez, lorsqu’il renverse les tables. C’est une colère contre l’argent.

Mais l’autre est moins connue. C’est lorsqu’on scandalise les enfants.

Et sa sentence est terrible dans cette colère-là – elle n’est pas dans les textes d’aujourd’hui et d’ailleurs les concepteurs du lectionnaire ont fait en sorte que vous n’entendiez JAMAIS cette phrase à la messe, tellement elle est violente.

Et même lorsque les versets qui précèdent cette phrase et la suivent sont lus – ça n’arrive qu’un mardi tous les deux ans, autant vous dire que vous avez peu de chances de l’entendre ! – eh bien ce verset est coupé à cette messe-là.

Ce verset, la sentence de Jésus face à ceux qui font du mal aux enfants, est celui-ci : « Celui qui est une occasion de chute pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu’il soit englouti en pleine mer. »

Ce sont des paroles de Jésus. Oui. Laissez-moi vous les redire : « Celui qui est une occasion de chute pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu’il soit englouti en pleine mer. »

Jésus, lui aussi, sait se mettre en colère.

Jésus, lui aussi, se met aujourd’hui encore en colère contre ceux qui font du mal aux enfants. Je n’aimerais pas être à leur place lorsque ceux-ci rencontreront celui qu’ils étaient censés servir par leur ministère.

Mais la colère, Chers Amis, nous le savons bien, est mauvaise conseillère. Même Jésus qui s’est mis en colère a peut-être regretté d’avoir renversé les tables ce jour-là dans le Temple, ou a peut-être regretté d’avoir prononcé les paroles que je viens de vous dire. Et qui sont terribles.

La colère, c’est toujours comme cela, il faut la laisser sortir – c’est important, sinon elle fait du dégât à l’intérieur de nous – mais ensuite, très souvent, on revient légèrement en arrière, on se calme.

La première lecture de ce soir nous rappelait que rancune et colère sont de bien mauvaises compagnes de vie. Il nous faut les fuir, disait le sage Ben Sira.

Même si elles traversent parfois nos cœurs d’êtres humains, il ne faut pas les retenir.

D’ailleurs nous le savons bien, les gens qui sont toujours en procès sont aigris et tellement difficiles à vivre.

Le Seigneur nous montre une autre voie que le psaume appuyait très nettement : « Il n’est pas pour toujours en procès, le Seigneur, il ne maintient pas sans fin ses reproches ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes, il
ne nous rend pas selon nos offenses. »

Envers nous, Dieu – qui pourtant aurait des raisons d’être en colère parfois – Dieu se montre le maître absolu du pardon. Et il nous invite à faire de même.

Notamment dans l’Evangile. Il demande à Pierre de ne pas pardonner jusqu’à sept fois mais jusqu’à septante fois sept fois. 490 fois, minimum… ça fait beaucoup ! Et donc, il nous le demande à nous aussi ce soir.

Pardonner… Dieu que c’est difficile, parfois ! Pour vous comme pour moi !

Il y a des situations dans lesquelles on n’arrive pas à pardonner, cela nous semble totalement impossible.

A l’hôpital, j’entends régulièrement des parcours de vie et des gens qui me disent : « Cette personne-là, je n’arrive pas à lui pardonner pour le moment. »

Et pourtant il existe une piste, que j’utilise souvent pour rassurer ces personnes-là et que j’utilise aussi pour moi-même lorsque je n’arrive pas à pardonner. Je suis humain tout comme vous et j’ai mes colères moi aussi… et moi aussi, parfois, je n’arrive pas tout de suite à pardonner. Notamment dans des affaires comme celles qui nous agitent ces jours.

Alors, quand je n’y arrive pas, j’essaie de me souvenir de ce qu’a fait Jésus sur la croix.

Vous vous souvenez de ce qu’il a dit, sur la croix ? Il n’a pas dit : « Je vous pardonne. » non… Il n’a pas dit : « Je vous pardonne. » à ses tortionnaires, il a dit : « Père, pardonne-leur. » Ça change tout !

Peut-être bien que lui aussi, Jésus, avait de la difficulté à pardonner ce jour-là à ceux qui le mettaient à mort… peut-être bien que lui non plus n’arrivait pas à pardonner directement, tout Jésus qu’il est. Loin d’abandonner, il est passé par son Père : « Père, pardonne-leur. »

Je crois, Chers Amis, que quand on a de la peine à pardonner à quelqu’un, quelle que soit la personne, quel que soit l’acte, il nous faut essayer de dire, dans notre prière : « Père, pardonne à cette personne. Moi je n’y parviens pas pour le moment, mais toi pardonne-lui. »

Et si nous y arrivons, si nous pouvons dire, « Père, pardonne-lui ! » eh bien alors nous ouvrons le chemin du pardon. Qui est un chemin, ça peut prendre des années ! Mais un chemin, nous le savons bien, le seul moyen de savoir ce qu’il y a au bout c’est d’y cheminer, pas à pas. Si vous restez assis sur un chemin, vous n’arriverez jamais au bout du chemin, c’est certain. Mais le chemin peut être long.

Alors je le dis avec force : ceux qui ont fait du mal à des enfants dans notre Eglise, ceux qui les ont protégés en détruisant des preuves, ceux qui ont minimisé ces crimes, je n’arrive pas à leur pardonner pour le moment. Mais je le dis avec tout autant de force : « Père, pardonne-leur. »

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Bex, samedi 16 septembre 2023, 18.00

Montreux, dimanche 17 septembre 2023, 11.00

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9 Responses

  1. Sylvie Bricet

    Bonjour Vincent, je suis compréhensive face à votre colère.
    Elle et légitime.
    Moi désolé même à mon âge de ce jour…
    Non je n’arrive pas à pardonnez.
    La résilience ne fonctionne pas ce sujet precis.
    Et je ne suis prête à dire pardonnez lui…. Moi je ne peux pas, et encore moins à ces preuves qui on etez effacée détruire. 😕
    Avec tous mon grand respect.
    Moi j’essaye d’oublier.

    Bien sincèrement a vous.

    Sylvie.

  2. Fellay

    Merci pour ce partage qui va m’être utile sur mon parcours de vie et qui m’aurait été utile 🙏
    Eliane

  3. Marie-Chantal

    Merci Vincent d’avoir osé citer ce verset de l’Évangile ! Depuis des années que l’on entend parler de ces scandales, je me dis que c’est le verset le plus approprié ! Mais personne, pas un prêtre, pas un évêque, pas un laïc ne l’a prononcé… Pourquoi ? Peut-être parce que la sentence est terrible et que l’on n’ose pas la décrèter. Et pourtant, à moins d’un repentir sincère…

  4. Aubert

    Merci pour votre homélie !
    Dans la première partie, j’ai bien apprécié que vous ayez mis en valeur les textes sur la colère de Jésus envers ceux qui font chuter les petits/les enfants. Et que vous ayez relevé avec courage que ces textes sont souvent censurés ou omis dans la liturgie catholique.
    La seconde partie de votre homélie, par contre, me pose problème. Quand vous parlez trop vite du pardon à l’égard des abuseurs , le sort des abuseurs devient plus important que celui des victimes qui demandent justice. Ne sautez-vous pas la nécessité que les abuseurs reconnaissent leur abus et travaillent à la réparation de la relation ? Le pardon ne vient-il pas ici atténuer la force de l’avertissement de Jesus à ceux qui font chuter les petits? Et pourquoi parler d’immondices alors qu’il s’agit clairement d’abus ? Il est nécessaire de nommer plus clairement les faits et aussi d’esquisser les remèdes à cette crise de confiance dans les différentes autorités de l’ECR. Heureusement, Jean-Blaise Fellay, jésuite, a commencé à le faire dans un article récent du journal Le Temps.

    Pierre Aubert
    Ancien aumônier d’hôpital
    pasteur à la retraite

    • Vincent Lafargue

      Bonjour à Vous,
      J’ai lu l’article de Jean-Blaise et félicité celui qui est mon père spirituel pour ses mots.
      Mon homélie fait suite à ma chronique de l’EchoMagazine, que je vous invite à lire et qui demande des sanctions exemplaires. Vous retrouvez mon avis à ce sujet sur la RTS jeudi matin, voici le lien : https://www.youtube.com/watch?v=IEWG6EOK1uE&t
      Pour qui me connaît, pour qui connaît le combat que je mène depuis 10 ans et que j’ai accentué fortement cette semaine, on sait à quel point je nomme clairement les faits et demande des sanctions.
      Bien fraternellement,
      Vincent

    • François

      Au niveau psychologique, tu as raison Pierre : la reconnaissance du mal commis est essentielle. Pourtant, la réponse de Jésus est bien au-delà de la psychologie : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34).
      Dans sa prédication, Vincent exprime bien la tension entre la psychologie humaine et l’accueil infini du Père.

  5. Nelly Chevrier

    Merci Vincent, il y a plusieurs années je t écoutais prêcher ainsi sur le pardon. Il est vrai que le chemin est long ; mais en remettant cela à Dieu , en lui disant du fond de notre cœur, du fond de notre colère : Moi , je ne peux pas , mais Toi tu peux ! Alors, je le confirme, ça aide à avancer , à pardonner, même un petit peu, et surtout le poids de la colère est moins lourd à porter… 🙏

  6. Nelly Chevrier

    …il va sans dire , bien sûr, que les abuseurs doivent être sanctionnés…

  7. Catherine Blanchon

    Bonjour,
    Merci Vincent pour ce texte, en ces jours de grand déballage difficile d’être engagé dans l’Eglise .Le pire c’est que les évêques n’ont toujours pas pris la mesure des ravages faits par leur dissimulations. Ils sont tout aussi coupables que les abuseurs qui se sentent protégés. Prions, prions pour les victimes car on ne peut pas imaginer les ravages et destructions psychologiques de ces crimes. Catherine

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