Les gestes du Serviteur

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Photo libre de droits : pixabay

Homélie pour la Cène du Seigneur

Exode 12,1-8.11-14  /  Psaume 115  /  1Corinthiens 11,23-26 / Jean 13,1-15

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

J’aimerais vous ramener quelques années en arrière… c’était avant le CoVid… plus loin encore… j’aimerais vous ramener le 13 mars 2013. C’est une date qui ne vous rappelle peut-être rien de précis.

Ce soir-là, nous étions nombreux devant la télévision. Nous découvrions un homme en blanc qui s’inclinait devant la foule rassemblée pour l’occasion sur la place St pierre, à Rome.

Ce geste du pape François, tout nouvellement élu, qui a commencé par s’incliner devant nous, ce geste a ému le mode entier.

Un geste profondément humble, surprenant de la part d’un nouvel élu, ce geste nous a marqués, d’abord parce que s’incliner devant l’autre par respect, c’est un très beau geste. Un geste que notre monde occidental ne connaissait pas beaucoup… et qu’il a appris à connaître avec la pandémie, notamment dans nos célébrations liturgiques.

Et vous savez que ce soir marque l’abandon de toutes les mesures spéciales de nos célébrations. Nous allons pouvoir à nouveau nous serrer la main !

Mais si nous avons pris l’habitude de nous incliner, pourquoi ne pas garder aussi cette habitude ? pourquoi pas ?

C’est un beau geste. Un geste que nous ne faisons pas systématiquement dans la rue, ça c’est vrai que si on s’inclinait en rentrant, à la boulangerie, ça ferait un peu bizarre… pourtant ce serait beau !

Ce geste de s’incliner devant l’autre, vous allez le voir à nouveau tout à l’heure quand Rolf et moi nous nous abaisserons à vos pieds pour les laver.

C’est très beau de s’incliner devant l’autre, « s’incliner devant la terre sacrée de l’autre », dit le pape François.

Un homme qui a vécu ici, à l’étage, Maurice Zundel, lorsqu’il recevait quelqu’un en confession, demandait que le pénitent ne s’agenouille pas. Et c’est lui qui s’agenouillait… et il disait : « C’est Dieu qui s’agenouille devant celui qui revient vers lui ! » Beau geste, là aussi. On a beaucoup de choses à apprendre de notre cher Zundel.

Abraham qui était pourtant – quelque part – chez lui, même s’il était nomade, lorsqu’il a reçu ses visiteurs s’est incliné devant la terre sacrée des gens qu’il recevait… ses sacrés visiteurs, pourrait-on dire.

Et de façon générale, chaque geste que nous faisons – si c’est un beau geste – chaque geste est important.

Il y a des gestes que nous faisons machinalement… il y a des gestes auxquels nous donnons tout le soin nécessaire comme ceux qui ont présidé à la préparation de cette table de fête… mais quels que soient nos gestes ils sont importants.

On le sait bien : si les actes ne suivent pas les paroles, si nos mots ne sont pas traduits en gestes, alors on entend facilement les gens dire : « oh… c’est des belles paroles, tout ça… » Faites ce que je dis, pas ce que je fais…

Et c’est si terrible lorsqu’un de nos confrères prêtres ne fait pas ce qu’il prêche, alors que nous devons nous efforcer d’être des exemples. Et c’est pas toujours facile, n’est-ce pas mon cher ? Et en disant cela je nous mets dans le lot. Le « faites ce que je dis, pas ce que je fais », on nous y prend plus souvent qu’à notre tour, nous les prêtres.

Les gestes, les actes, doivent suivre les paroles.

Dans nos célébrations, nos positions sont importantes, nos gestes sont importants.

Il y a des moments où l’on est assis pour écouter… il y a des moments où l’on est debout pour chanter, pour célébrer, pour louer… il y a des moments où l’on s’agenouille lorsqu’on peut le faire…

Essayez de prier un Notre Père chez vous debout… puis ensuite vous en priez un autre assis… puis ensuite vous en priez un une jambe croisée sur l’autre… puis ensuite vous en priez un à genoux… eh bien vous allez faire quatre Notre Père complètement différents ! Notre position est importante. Nos gestes sont importants.

Et la Bible nous parle de ces gestes que nous refaisons parfois machinalement ou que nous voyons faire sans les comprendre ou sans y penser, parce que… on a toujours fait comme ça.

Le psaume, qui nous a été magnifiquement chanté, nous appelait à dire « merci » pour la libération du peuple de Dieu. Parce que sans cette libération, nous ne serions pas là ce soir pour fêter.

« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » disait le psaume. Et la réponse était aussi un geste, vous y avez peut-être fait attention… cela nous a été chanté : « J’élèverai la coupe du salut, je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce. »

Elever la coupe, c’est exactement ce que notre curé fera tout à l’heure, au moment de l’Eucharistie. Il va monter la coupe – non pas parce qu’il a gagné la coupe du monde – mais parce qu’il élève la coupe du salut. Comme le disait le psaume.

Et le mot « Eucharistie », vous le savez bien, signifie en grec « merci ». On élève la coupe du salut pour dire « merci » à Dieu. En élevant cette coupe, en fractionnant du pain, nous rendons grâce, nous disons merci.

Alors vous me direz que dans le psaume il n’y avait que la coupe, hein ! Même si dans le refrain, on a chanté la coupe et le pain. Mais dans le psaume il n’y avait que la coupe.

Il fallait attendre la deuxième lecture pour parler du pain, la lettre de Paul aux Corinthiens.

Et cette fois c’est le geste de Jésus que nous rappelait Paul, avec ces mots que nous connaissons par cœur : « La nuit même où il fut livré, le Seigneur prit du pain, puis, ayant rendu grâce – eucharistie… – il le rompit… » etc., etc., on connaît la suite.

Et Paul conclut en donnant tout son sens à ce geste : « Ainsi, dit Paul, chaque fois que vous mangez ce repas vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. »

Ce n’est donc pas un geste du passé, c’est un geste pour demain, pour l’avenir, pour que le Seigneur revienne. C’est un geste qui est tourné vers le futur.

Nous avons donc, Chers Amis, des gestes du passé pour nous souvenir de nos ancêtres, des gestes pour faire venir Jésus dans le futur.

Et le présent, alors ?

Eh bien le présent c’était l’Evangile qui nous le donnait, ce geste du présent.

Jésus qui, se fait serviteur alors même que ses disciples le tiennent pour maître.

Serviteur… c’est ce que nous sommes nous, les prêtres. Nous avons souvent de magnifiques habits mais… regardez… [il enlève un instant son étole et la place sur son bras, façon serviteur] ça ne vous rappelle rien, ça ? C’est le signe du serviteur, pas autre chose. Nous ne portons pas des habits de roi ou de pouvoir, nous sommes les serviteurs de la communauté.

Et Jésus s’est fait serviteur alors même que ses disciples le tenaient pour maître déjà.

Il s’incline – tiens, tiens ! il fait un geste ! – et il leur lave les pieds. Un autre geste très, très fort.

Et Jésus reprend sa place à la table, et il dit : « Est-ce que vous comprenez ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître… » vous m’appelez « Monsieur le Curé », vous m’appelez « Monsieur le Vicaire », vous m’appelez « Père Abbé », vous m’appelez « Monseigneur »… mais je ne suis qu’un serviteur. « Et si j’ai fait ce geste, dit Jésus, c’est pour vous apprendre à vous, à faire ce même geste. »

Dans quelques minutes, Rolf et moi nous allons passer vers vous pour refaire ce geste de Jésus.

Le jeudi saint ça devrait être aussi la fête de tous les baptisés. Pas seulement la fête des prêtres. Parce que vous savez que par votre baptême, vous êtes prêtres. Le baptême nous fait prêtre, prophète et roi. C’est donc aussi votre fête à Chacune et Chacun.

Et j’aimerais terminer avec cela. Parce que ce jour institue le lavement des pieds, et même si c’est Rolf et moi qui allons refaire ce geste, des pieds, vous en avez tous. C’est à nous de refaire ce geste.

Alors à nouveau, vous n’allez pas rentrer dans un bistrot après la messe avec une cuve et commencer à laver les pieds des gens, ça va faire un peu bizarre, hein !

Il y a sûrement une autre manière de laver ce qui ne sent pas bon… d’éviter d’en rajouter sur les réseaux sociaux ou dans les commentaires… ou quand on est au bistrot, qu’on entend dire du mal de quelqu’un et puis qu’on en rajoute encore…

Laver les pieds, c’est l’inverse, c’est justement mettre du parfum là-dessus, enlever la mauvaise odeur…

Je pense que nous avons moyen de nous laver les pieds les uns les autres… on peut trouver, en tout cas.

Les gestes de l’Eucharistie sont faits par les prêtres, à votre service. D’accord.

Mais le geste du lavement des pieds, la charité envers chacun… ce geste-là doit être fait par chaque baptisé pour ses frères et sœurs.

Alors seulement, nous mériterons ce beau nom de Chrétiens, au service les uns des autres, sans autre gestion, sans autre fortune, sans autre pouvoir que celui de l’Amour.

Rolf parlait de la carte des mets… et quand on le dit avec ce petit accent-là, on peut l’écrire différemment : Jésus nous donne la carte d’aimer, la carte du verbe aimer.

C’est lui qui nous donne le menu de l’Amour, l’Amour aux yeux ouverts pour mieux voir de quoi notre prochain a réellement besoin.

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Bex, jeudi 14 avril 2022, 20.00

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